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Intervention de François de Rugy

Réunion du 16 mars 2011 à 15h00
Déclaration du gouvernement préalable au conseil européen et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Conseil européen après conseil européen, c'est un triste constat de faillite que nous faisons : faillite de la politique étrangère présidentielle et faillite des institutions européennes. L'une est d'ailleurs étroitement liée à l'autre, puisque M. Sarkozy s'est acharné, avec quelques-uns de ses collègues chefs d'État et de gouvernement, à affaiblir les représentants de l'Union européenne. Où sont M. Barroso, M. Van Rompuy, Mme Ashton dans les crises que nous traversons ? Vous avez osé, monsieur le ministre d'État, associer la notion de task force au nom de M. Van Rompuy : j'ai du mal à comprendre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le traité de Lisbonne, qui était déjà fort mal né, est décidément en train de faire la démonstration de son échec programmé. Ce n'est heureusement pas une fatalité. C'est le résultat d'un choix politique : celui d'affaiblir les institutions de l'Union européenne. C'est particulièrement vrai de l'attitude du Président de la République. Pris à son propre piège à force de privilégier systématiquement l'intergouvememental, il se retrouve soumis à l'Allemagne, comme avec ce pacte de compétitivité entièrement tourné vers les intérêts économiques de notre voisin et totalement inadapté aux besoins des peuples européens.

Monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, vous comprendrez que la situation dramatique du Japon nous oblige à redéfinir nos priorités politiques. À cet égard, on doit espérer que le Conseil européen ne restera pas non plus sans voix sur cette nouvelle crise, aux répercussions encore inconnues.

Nous tenons tout d'abord à redire ici ce que nous répétons depuis cinq jours dans toutes nos interventions : nos pensées sont d'abord et avant tout des pensées de recueillement et de compassion pour le peuple japonais qui traverse, de l'avis unanime, la pire des tragédies depuis les bombes atomiques de Nagasaki et Hiroshima, à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Les écologistes s'expriment avec une émotion et une gravité inhabituelles sur cette situation. Après les accidents de Three Mile Island et de Tchernobyl, nous espérions du fond du coeur que le Japon passerait à côté d'une catastrophe nucléaire majeure. Or nous savons aujourd'hui que la situation n'est plus maîtrisée et que le pire est à craindre. Les êtres humains ne peuvent maîtriser l'évolution d'un réacteur nucléaire qui n'est plus sous contrôle.

La première de nos priorités est donc d'exprimer notre solidarité avec les Japonais. En disant cela, nous mesurons la difficulté de rendre concrète et opérationnelle cette solidarité. Même si le Premier ministre a parlé hier, dans son intervention devant notre assemblée, d'une coopération technologique, nous voyons mal quelle forme elle pourrait prendre, tant nous sommes démunis face à une technologie que les hommes, justement, ne peuvent plus maîtriser.

Notre deuxième priorité, en France et plus généralement en Europe, c'est la sécurité. La sécurité est, logiquement, la première préoccupation des Français en pareille circonstance. Cette préoccupation – cette peur, disons-le – est d'autant plus légitime que la France est, avec 59 réacteurs, plus nucléarisée que le Japon. Au sein de l'Union européenne, on compte plus de 150 réacteurs : 153 exactement.

Certes, la France n'est pas située dans une région du monde aussi exposée aux risques sismiques que le Japon (« Ah ! Tout de même ! » sur les bancs du groupe UMP), mais, comme l'a fort bien souligné Mme Kosciusko-Morizet, le Japon, qui était préparé aux risques de séisme, n'avait pas envisagé les conséquences d'un tsunami, lequel est pourtant un effet direct du tremblement de terre. Le propre des accidents nucléaires, c'est de se produire après un enchaînement de dysfonctionnements ou de risques dont la combinaison était imprévue ou n'avait pas été envisagée jusqu'alors.

Le rapport de 2009 de l'Autorité de sûreté nucléaire pointait des dysfonctionnements dans trente-quatre réacteurs français, dont plusieurs touchaient les circuits de refroidissement, c'est-à-dire exactement les éléments à partir desquels s'est déclenchée la tragédie japonaise. Nous savons aussi que la centrale nucléaire du Blayais, en Gironde, est très vulnérable au risque d'inondation, comme l'a montré la tempête de 1999. Nous nous souvenons enfin du grave incident survenu en 2008, à la centrale du Tricastin, dans le sud de la France.

On comprend donc que les Français ne peuvent se contenter du déni – pour reprendre les termes de l'ancien Premier ministre, Dominique de Villepin – qu'on leur oppose. Leurs inquiétudes sont légitimes, et ils ne peuvent plus supporter les propos de certains responsables de l'UMP. Puisque le Premier ministre en a appelé à la retenue et à la responsabilité – attitude que nos partageons –, il est grand temps de faire cesser les propos indécents entendus ces derniers jours dans la bouche, par exemple, de M. Guaino, qui s'est réjoui – oui, il s'est réjoui – des perspectives commerciales que cette catastrophe ouvrait au nucléaire français, plus sûr à ses yeux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

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