Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, c'est avec beaucoup de plaisir que je m'exprime devant vous à l'occasion de ce traditionnel débat préalable au Conseil européen. Naturellement, la réunion des 24 et 25 mars sera marquée par la tragédie que connaît aujourd'hui le Japon et abordera notamment la question de la sûreté nucléaire.
Cette question, la situation nous impose de la traiter sous trois angles : solidarité avec le Japon, sûreté des réacteurs en exploitation en Europe, sûreté des réacteurs qui seront construits dans le monde. Comme l'a dit hier le Premier ministre, aucun débat ne doit être esquivé. Mais nous sommes aujourd'hui dans le temps de l'urgence, auquel devra succéder le temps du retour d'expérience.
Au sein de l'Union européenne, une directive de juin 2009 a établi un cadre communautaire pour la sûreté des installations nucléaires. Dans ce cadre, nous soutenons un examen par les pairs des mesures prises pour assurer en permanence, en exploitation normale et en situation d'urgence, le plus haut niveau de sûreté des réacteurs en Europe. Le commissaire européen en charge de l'énergie, l'Allemand Günther Oettinger, a réuni hier à Bruxelles les autorités nationales de sûreté nucléaire et de l'industrie. Ces experts ont marqué leur accord pour évaluer l'état de préparation de l'Union à des situations similaires et pour soumettre les quelque 150 réacteurs en Europe à des tests de résistance. C'est dans cet esprit que s'inscrit l'audit du parc nucléaire français annoncé hier par le Premier ministre.
À Bruxelles, il s'agira de continuer à porter la sûreté nucléaire au plus haut niveau, de tirer les leçons de la tragédie au Japon et d'agir dans la transparence à l'égard des populations.
Nous devons en effet répondre à l'inquiétude très compréhensible de nos concitoyens. Mais nous devons aussi éviter les réactions précipitées. Chaque État membre reste responsable de son mix énergétique. Et nous ne pourrons nous passer de l'énergie nucléaire avant plusieurs décennies, surtout si nous voulons atteindre nos objectifs européens d'une économie décarbonée.
Une séquence de réunions internationales s'ouvre devant nous : conseil énergie exceptionnel le 21 mars à Bruxelles, Conseil européen les 24 et 25 mars, réunion du Nuclear safety and security group du G8 les 24 et 25 mars, sommet de Deauville les 26 et 27 mai. Le G20 pourrait aussi être saisi de la question. Nous mettrons à profit ces échéances pour défendre l'exigence du plus haut niveau de sûreté nucléaire.
Outre la question du Japon et ses conséquences sur la sûreté nucléaire, le Conseil européen des 24 et 25 mars, qui inscrira ses travaux dans la lignée des décisions adoptées lors du Conseil européen extraordinaire sur la Libye et du sommet de la zone euro le 11 mars, sera consacré à deux sujets majeurs : d'une part, le renforcement de la gouvernance économique de l'Union européenne et de la zone euro, et, d'autre part, la construction d'un nouveau partenariat entre l'Union européenne et la rive sud de la Méditerranée.
Pour ce qui est du renforcement de la gouvernance économique de l'Union européenne et de la zone euro, il s'agit à la fois de finaliser la réponse globale à la crise et de renforcer le pilier économique de l'Union économique et monétaire. Le prochain Conseil européen devrait prendre trois décisions majeures en ce sens.
D'abord, il adoptera formellement la décision de modification limitée du traité permettant la mise en place pérenne, en 2013, du Mécanisme européen de stabilité.
Ensuite, il devrait adopter formellement le pacte pour l'euro, de façon ouverte et inclusive, afin de permettre aux États membres n'appartenant pas à la zone euro de s'y joindre, s'ils le souhaitent et s'ils en acceptent les engagements.
Enfin, le Conseil européen engagera le Conseil et le Parlement européen à aboutir d'ici au mois de juin à un accord sur des propositions législatives présentées par la Commission pour renforcer la gouvernance économique.
Grâce à ces trois décisions, nous parachèverons l'effort engagé lors de la crise de la dette grecque pour défendre l'euro, rétablir de façon coordonnée la maîtrise de nos finances publiques et définir un véritable volet de convergence et de compétitivité au service de la croissance. En un an à peine, grâce à la détermination du couple franco-allemand, nous aurons construit une réponse européenne globale à la crise économique. Permettez-moi aujourd'hui de vous en rappeler cinq éléments essentiels.
Premier élément : le Fonds européen de stabilité financière. Créé juste après la crise de la dette grecque, il a permis d'apporter une réponse immédiate à la crise bancaire irlandaise et d'empêcher un effet de domino qui aurait menacé toute la zone euro. Le sommet du 11 mars a décidé que sa capacité de financement convenue, de 440 milliards d'euros, serait rendue pleinement opérationnelle. Cette capacité globale effective de financement sera portée à 500 milliards d'euros lors du passage du Fonds au Mécanisme européen de stabilité.
Deuxième élément : le « semestre européen ». Son objectif est d'engager une véritable coordination des politiques budgétaires nationales, intégrant les objectifs européens et les engagements souscrits dans le pacte de stabilité et de croissance.
Ce cycle a été lancé en janvier, avec le premier rapport annuel sur la croissance de la Commission. Le Conseil européen donnera son accord sur les priorités en matière de réformes structurelles et d'assainissement des finances publiques. Sur cette base, les États membres présenteront mi-avril leurs programmes de stabilité et de convergence, ainsi que leurs programmes nationaux de réforme. C'est une innovation majeure dans la procédure budgétaire. C'est donc en parfaite cohérence européenne qu'après cette première phase du « semestre européen », chaque État membre engagera la construction de son budget et le vote de sa loi de finances, conformément à ses procédures nationales et dans le respect des prérogatives des parlements nationaux.
Troisième élément : la supervision financière. Avec l'appui décisif du commissaire européen chargé du marché intérieur et des services financiers, Michel Barnier, dont je tiens à saluer le travail, elle a été considérablement renforcée.
J'en veux pour preuve la création du Conseil européen du risque systémique et de trois autorités européennes indépendantes de supervision, couvrant les marchés financiers, les banques et les assurances. Aujourd'hui, le renforcement des ratios prudentiels avec les accords Bâle III, l'adoption de la directive « hedge funds », de nouvelles règles de transparence sur les produits dérivés et le renforcement des « stress tests » pour les banques sont une réalité. On ne peut plus dire que les leçons de la crise financière n'ont pas été tirées.
J'en veux aussi pour preuve l'étape supplémentaire franchie lors du sommet de la zone euro le 11 mars, avec la nécessité affirmée de réfléchir à l'introduction d'une taxe sur les transactions financières et de faire avancer les travaux au niveau de la zone euro, à celui de l'Union européenne, ainsi que sur le plan international. Cette décision n'était pas facile, et la France, sous l'impulsion du Président de la République, ainsi que l'Allemagne, l'ont fait adopter par l'ensemble de nos partenaires.
Quatrième élément : la gouvernance économique, dont la refonte est engagée. Je pense aux six propositions législatives présentées par la Commission à l'automne dernier, qui devront être adoptées sur la base de l'équilibre dégagé au sein de ce qu'on appelle, dans le langage bruxellois, la « task force Van Rompuy » et endossé par le Conseil européen d'octobre dernier.