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Intervention de Jean Mallot

Réunion du 15 mars 2011 à 21h30
Droits et protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Mallot :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons ce soir traite des modalités de prise en charge des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques. Si tout le monde s'accorde à dire que les procédures d'hospitalisation sans consentement doivent être réformées, le texte qui nous est présenté est manifestement incomplet et déséquilibré. Il privilégie une logique sécuritaire en phase avec l'opportunisme politique de la majorité actuelle mais en inadéquation avec la réalité du terrain et les besoins des patients.

Au lieu de construire une nouvelle usine à gaz juridique, il aurait fallu, en particulier, prendre à bras-le-corps la question de la démographie psychiatrique, essentielle compte tenu du manque de psychiatres, notamment dans certains départements comme le mien.

La vocation sécuritaire de ce texte conduit à un amalgame malsain entre maladie mentale et délinquance. Elle conduit également le Gouvernement et la majorité à occulter certains aspects importants des modalités de prise en charge des malades.

Je veux notamment parler d'un dispositif alternatif que l'on aurait pu aborder à condition de retenir une approche sanitaire et non sécuritaire : l'accueil familial thérapeutique. Il constitue une forme d'hospitalisation à temps plein, alternative à l'hospitalisation classique. Il s'agit surtout d'un outil spécifique, destiné aux patients atteints de maladies psychiatriques qui sont susceptibles de retirer un bénéfice d'une prise en charge dans un milieu familial stable. Il favorise la continuité des soins tout en rompant avec le « tout hôpital ». Ce dispositif devrait faire l'objet d'une attention toute particulière puisque, au-delà de son originalité dans le cadre du parcours de soins et de l'environnement nouveau qu'il propose au malade, il est plus de deux fois moins onéreux en moyenne que l'hospitalisation complète.

Les accueillants, après une enquête menée par l'équipe de soins, doivent être agréés par un établissement de santé et avoir signé un contrat d'accueil avec cet établissement. Dans le cadre de leur travail, ils sont pris en charge par une équipe pluridisciplinaire qui assure le soutien thérapeutique et le contrôle de l'accueil, sous la responsabilité d'un médecin psychiatre coordinateur.

L'AFT concerne aujourd'hui un nombre relativement limité d'accueillants : à Ainay-le-Château, par exemple, on compte environ 400 familles d'accueil. Mais il est difficile d'en savoir plus : une estimation, datée de 1999, évoquait 5 000 accueillants dans tout le pays. En 2003, une autre estimation évoquait environ 3 500 patients, dont 1 450 soignés à Ainay-le-Château et Dun-sur-Auron. Les accueillants que j'ai pu interroger récemment parlent d'un maximum de 1 500 accueillants familiaux thérapeutiques au niveau national ; le nombre de patients accueillis en AFT, d'un à deux par accueillant, serait donc ici de 2 000 à 3 000. Le Gouvernement peut-il nous fournir des précisions à cet égard ?

Si, comme l'affirme l'exposé des motifs du projet de loi, « le premier objectif de la réforme consiste à lever les obstacles à l'accès aux soins et à garantir leur continuité », l'accueil familial thérapeutique est un dispositif qu'on ne peut mettre de côté. Mais il faudrait pour cela être sincère dans l'intérêt que l'on porte au sort des malades, à leur progression sur la voie de la guérison et à leur éventuelle réinsertion dans la société. Il est fort dommage que la vision sécuritaire de la majorité ne lui permette pas de considérer le problème sous cet angle.

La valorisation de l'AFT passe notamment par un travail sur le statut et la formation des accueillants. Le statut juridique de ces professionnels a longtemps posé problème puisqu'il n'était pas clairement défini. L'un des rares points positifs de la loi HPST a été leur reconnaissance comme agents non titulaires de la fonction publique hospitalière. Cette disposition a obligé nombre d'établissements de santé à réviser le statut des accueillants qu'ils ont recrutés à partir de juillet 2009. Les disparités entre accueillants restent toutefois très importantes, et certains ont des contrats plus que précaires : en Ariège, par exemple, un accueillant familial thérapeutique touche 600 euros par mois pour s'occuper d'une personne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, trente jours sur trente. Est-ce acceptable ? Il faudrait faire un premier bilan de la situation et nous fournir des statistiques fiables à ce sujet – je le demande au Gouvernement.

La question de la formation des accueillants familiaux thérapeutiques demeure posée, notamment pour ceux qui accueillent des adultes, dont la formation doit être assurée par l'établissement employeur. Dans une enquête menée par l'Établissement public de santé mentale de Lille-Métropole entre janvier et août 2009, il apparaît que plus de 60 % des accueillants familiaux thérapeutiques pour adultes n'ont bénéficié d'aucune formation, initiale ou continue. Il nous faut donc réfléchir à la mise en place d'une formation diplômante et qualifiante de ces professionnels, à l'image de celle qui existe pour les assistantes familiales. Ce n'est qu'en s'intéressant de plus près à ces deux questions – le statut et la formation – que nous pourrons encourager le développement de l'AFT.

Mais puisque ce dispositif implique la mobilisation des familles, il faut aussi aborder le sujet en termes de représentation mentale. La manière dont la majorité de cette assemblée traite la prise en charge des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques est très problématique. Faire le lien entre maladie mentale et délinquance, ne traiter que de l'hospitalisation à la demande d'un tiers et de l'hospitalisation d'office dans un texte sur les modalités de prise en charge de ces malades, conduit à faire du malade un danger qu'il faudrait écarter et à favoriser dans l'esprit de nos concitoyens une vision tronquée, à connotation asilaire, de la psychiatrie.

La ministre de la santé faisait remarquer en 2005, à l'issue d'une rencontre avec une famille d'accueil dans l'Allier, que « l'accueil familial thérapeutique est une solution ingénieuse dans le secteur de la psychiatrie et de la santé mentale ».

Le 11 janvier dernier, dans une réponse à une question écrite, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé indiquait qu'une réflexion allait être menée au sujet de l'AFT. Je vous pose la question, madame la secrétaire d'État : qu'en est-il aujourd'hui ? Le fait que vous présentiez un texte relatif aux modalités de prise en charge des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques sans aborder ce sujet ne me semble guère encourageant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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