Car s'il doit y avoir des soins sans consentement, c'est avant tout parce que, dans bien des cas, la personne malade n'est pas consciente de ses troubles et n'est donc pas en mesure de consentir aux soins alors même qu'ils sont nécessaires.
Si, comme l'a souligné un amendement de Mme Fraysse adopté par la commission, l'hospitalisation libre reste évidemment la voie à favoriser pour permettre aux personnes malades de se soigner, cela n'est malheureusement pas toujours possible, en raison de l'état mental de la personne souffrant de ces troubles. C'est pourquoi il est nécessaire de pouvoir admettre en soins sans consentement sur demande d'un tiers, en cas de péril imminent ou sur décision du préfet, des personnes qui ont besoin d'une prise en charge immédiate et qui, le cas échéant, représentent un danger pour autrui mais surtout pour elles-mêmes. Je vous rappelle que, sur les 12 000 suicides recensés chaque année, 4 000 sont attribués à des personnes souffrant de pathologie mentale. C'est un versant sécuritaire de la loi que j'assume parfaitement.
Toutefois, depuis l'adoption en 1838 d'une législation spécifique sur les soins psychiatriques, qui reste d'ailleurs l'ossature du texte actuel, les droits et la protection des patients hospitalisés sans leur consentement n'ont cessé d'être renforcés.
Avant même la loi du 27 juin 1990, la loi du 2 février 1981 a contribué à asseoir le contrôle du juge judiciaire sur les décisions de l'administration, et nous aurons l'occasion d'y revenir, monsieur le ministre. La montée en puissance du juge, rendue nécessaire par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, apparaît ainsi comme un processus continu, à l'oeuvre depuis trente ans.
Quant à la loi de 1990, si elle a conservé les deux modes d'hospitalisation sans consentement prévus par la loi de 1838, l'hospitalisation sur demande d'un tiers et l'hospitalisation d'office, elle a par ailleurs consacré un socle de droits incompressibles pour les patients hospitalisés sans leur consentement et amorcé un rééquilibrage au sein du dispositif de l'hospitalisation d'office entre les considérations sanitaires et les considérations d'ordre public, renforçant le caractère médical des hospitalisations. Cette évolution a ensuite été confirmée par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, qui a exigé une atteinte « grave » à l'ordre public pour justifier l'hospitalisation d'office.
En prévoyant l'information régulière des patients sur leurs droits, notamment au recours, et sur leur état de santé, et en consacrant, conformément à la décision du 26 novembre 2010 du Conseil constitutionnel, une place accrue au juge des libertés et de la détention, gardien des libertés individuelles, dans le contrôle des mesures d'hospitalisation sous contrainte, le projet de loi s'inscrit dans la lignée des textes qui l'ont précédé.
La commission des affaires sociales a toutefois considéré que le projet de loi, dans sa version issue de la lettre rectificative du 26 janvier, restait au milieu du gué. Vous l'avez souligné et je vous en remercie, madame la secrétaire d'État : c'est le texte de la commission qui apparaît parfaitement équilibré.
Sur proposition de son rapporteur, la commission a choisi de prévoir un recours automatique au juge en cas de désaccord, objet de votre inquiétude, monsieur le ministre, entre le psychiatre et le préfet sur la levée de la mesure de soins. Je me permets de vous rappeler que le psychiatre donne un avis et que le préfet prend une décision. Le juge interviendra sur la décision du préfet, non sur une divergence entre les deux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Il s'agit là d'une avancée importante, qui s'inscrit dans la lignée du rééquilibrage à l'oeuvre dans notre législation entre le sanitaire et l'ordre public, avancée qui était attendue sur le terrain, tant par les psychiatres que par les familles.
Par ailleurs, la commission a souhaité rétablir la possibilité, prévue dans le projet de loi initial, pour le juge de substituer une forme de prise en charge à une autre lorsqu'il est saisi dans le cadre d'un recours individuel et d'étendre cette faculté aux cas qui lui seront soumis dans le cadre du contrôle automatique.
L'objectif poursuivi au travers de ces amendements était de renforcer l'obligation pesant sur le patient de se soigner, même lorsqu'une hospitalisation complète n'est pas jugée nécessaire. Néanmoins, monsieur le ministre, j'ai entendu l'interpellation des magistrats et votre inquiétude quant aux difficultés concrètes d'application que pourrait entraîner cette dernière disposition, notamment en termes de suivi de l'application du jugement, et eu égard à la charge déjà importante incombant au juge dans le dispositif prévu par le projet de loi. Je vous proposerai donc, par voie d'amendements, de préciser plus clairement dans le texte que la mainlevée d'une mesure d'hospitalisation complète décidée par le juge ne signifie pas pour autant l'arrêt de tout soin – nous sommes bien sur deux versants différents, l'hospitalisation complète et les soins – et que le patient peut ensuite être admis en soins sans consentement sous une autre forme.
Par ailleurs, le texte ne fait pas fi des préoccupations liées à la sécurité de nos concitoyens en prévoyant des mesures de précaution renforcées pour certaines catégories de malades dont la dangerosité potentielle apparaît plus élevée. Ces précautions consistent notamment en des avis médicaux supplémentaires requis lorsqu'il est envisagé de modifier la forme de prise en charge, ou de prononcer la levée des mesures de soins dont font l'objet les personnes déclarées pénalement irresponsables.
La commission des affaires sociales, suivant en cela la proposition de son rapporteur, a cependant voulu, je crois à l'unanimité, introduire une forme de droit à l'oubli, rendant inopérantes ces dispositions lorsque l'événement déclencheur a eu lieu un nombre d'années suffisant auparavant, nombre d'années qui sera déterminé par décret en Conseil d'État, nous aurons l'occasion d'y revenir dans la discussion des amendements.