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Intervention de Nora Berra

Réunion du 15 mars 2011 à 21h30
Droits et protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques — Discussion d'un projet de loi

Nora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé :

…enfin, la nécessité d'améliorer le fonctionnement des CDHP, les commissions départementales des hospitalisations psychiatriques. S'agissant de ce dernier point, nous avons en effet constaté que le travail quantitatif de ces commissions départementales, pour louable qu'il soit, l'emporte trop souvent sur le travail qualitatif. Les CDHP, outils au service des droits des usagers, sont parfois embolisées par des examens obligatoires, au terme desquels il n'a toutefois jamais été démontré d'hospitalisation abusive. Ces points à améliorer ont été, depuis l'évaluation de la loi de 1990, systématiquement rappelés dans toutes les concertations, avec les patients et leurs familles comme avec les professionnels des soins psychiatriques.

Ce projet ne remet donc pas en question les fondements du dispositif actuel, qui permet une prise en charge, soit à la demande d'un tiers, le plus souvent un membre de la famille, soit sur décision du préfet. Mais il comprend des avancées substantielles, telle l'intervention du juge des libertés et de la détention, afin de renforcer les droits des personnes garantis par notre Constitution et de se conformer ainsi à la décision du Conseil constitutionnel. En effet, dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a jugé, le 26 novembre dernier, qu'« en prévoyant que l'hospitalisation sans consentement peut être maintenue au-delà de quinze jours sans intervention d'une juridiction de l'ordre judiciaire, les dispositions relatives au maintien en hospitalisation sur demande du tiers méconnaissent les exigences de l'article 66 de la Constitution ». Le Conseil constitutionnel a fixé au 1er août la date de l'abrogation des dispositions concernées.

Le texte poursuit un triple objectif : un objectif de santé en permettant une meilleure prise en charge des personnes nécessitant des soins psychiatriques ; un objectif de sécurité en assurant avant tout celle des patients, mais aussi celle des tiers, lorsque les troubles mentaux de la personne représentent un danger pour elle-même ou pour autrui ; enfin, un objectif de liberté en garantissant aux patients le respect de leurs droits fondamentaux et de leurs libertés individuelles.

L'objectif de santé se traduit par le remplacement de la notion d'hospitalisation par celle de soins. Il sera désormais possible d'offrir à un malade qui ne peut consentir aux soins sur un temps long la possibilité de ne pas devoir être hospitalisé continuellement, mais de bénéficier de l'ensemble de la palette des soins offerts par les services psychiatriques de notre pays. C'est une disposition tout à fait évidente. En effet, il arrive qu'une personne souffrant de troubles mentaux qui altèrent son libre-arbitre refuse d'être soignée, mais elle peut tout de même préférer une mesure de soins ambulatoires à une hospitalisation complète en service psychiatrique. Pourquoi alors lui imposer une hospitalisation complète de plusieurs semaines, hospitalisation dont le principe même freine l'adhésion aux soins ? Pourquoi ne pas offrir au praticien la possibilité d'accéder à ces modalités de soins modernes, qu'il pourra proposer à cette personne si elles-lui sont adaptées ?

Tel est bien le sens du projet de loi qui vous est présenté : dissocier les troubles du consentement des mesures d'enfermement, et limiter celles-ci au strict nécessaire, ce qui souligne la confiance que nous portons aux équipes extrahospitalières. Les outils qu'elles ont développés et les réseaux qu'elles ont tissés au plus proche des lieux de vie de la population permettent désormais de leur confier de plein droit des prises en charge particulières de patients au départ non consentants. Ce sont d'ailleurs bien souvent des patients que ces équipes connaissent déjà à travers les soins libres qu'elles leur procurent au moment où les troubles du consentement s'atténuent. Dès lors, il n'est plus nécessaire de conserver le dispositif des sorties d'essai, de plus en plus utilisé jusqu'alors comme une alternative à l'hospitalisation complète. C'était un dispositif qui allait dans le bon sens. Cependant, il faut bien admettre qu'il était assez limité parce qu'il ne ciblait que la réinsertion des malades, au terme d'une longue hospitalisation. Ce dispositif n'est donc plus utile puisque les alternatives à l'hospitalisation complète vont entrer désormais dans le droit commun des soins sans consentement.

Nombre d'hospitalisations sans consentement d'un patient en état de crise peuvent être évitées par des soins apportés dans les trois premiers jours. Les professionnels le disent : il est dommage d'enclencher des mesures au moment d'une crise si celle-ci est passagère. Nous introduisons donc, conformément aux recommandations des rapports successifs, une période d'observation de soixante-douze heures, qui sera matérialisée par un certificat médical à l'issue de celles-ci. L'instauration de cette période permettra de mieux appréhender l'évolution de l'état mental du patient, et donc de mieux décider des modalités de sa prise en charge si celle-ci s'avère nécessaire, hospitalière ou extrahospitalière, consentie ou non consentie. Pour les raisons déjà énoncées, on crée ainsi une procédure de suivi des patients soignés sans leur consentement sous une autre forme qu'en hospitalisation complète. Ces soins seront dispensés sur la base d'un protocole : celui-ci devra préciser le type de la prise en charge, les lieux de traitement et la périodicité des soins. L'avantage de ce processus, c'est de pouvoir adapter les modalités de la prise en charge à tout moment et de présenter les choses de façon très claire au patient.

Les tiers, souvent des membres de la famille, seront par ailleurs informés du changement de la prise en charge dès lors que l'hospitalisation complète s'interrompt. Concernant les familles, comme l'ont souligné de nombreux rapports, il apparaît que nombre de patients ont perdu tout lien avec la leur et avec leurs proches, et qu'il est alors très difficile de les faire entrer en soins. Parfois, la famille est là, mais il lui est trop difficile d'accepter l'idée de formuler une demande de soins psychiatriques pour son proche.

Les professionnels nous le disent : ils cherchent pendant des heures un tiers qui accepte de formuler une demande. C'est directement l'accès aux soins qui est alors mis en jeu, ce que nous ne pouvons tolérer. Il arrive parfois aux professionnels de la psychiatrie de devoir abusivement enclencher des hospitalisations d'office pour des patients qui ne présentent pas un risque majeur pour autrui.

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