Il faut être conscient de ce qui nous échappe quand nous nous interrogeons sur la politique à mener : on ne peut faire le bien des Algériens contre l'action de leur Gouvernement. C'est ce qui explique que notre politique algérienne ne soit pas propice à l'expansion de l'initiative privée. D'ailleurs, en l'absence de système bancaire, il est difficile d'y créer une entreprise. Le problème est de savoir comment compenser éventuellement la défaillance de l'État et comment définir notre demande, au-delà de celle de l'Union européenne, à l'égard de ce pays.
Nos programmes sont souvent excellents. Pour peu qu'ils s'articulent avec un pouvoir plus acceptable, ils seront tout à fait adaptés, puisqu'ils portent sur l'emploi et la formation des jeunes, notamment au métier d'ingénieur. Notre action n'est peut-être pas suffisante, mais nous n'avons pas à en rougir. Pour faire plus, l'Union européenne, qui manque de visibilité, doit trouver en face d'elle un interlocuteur qui réponde à ses questions, car son propos n'est pas d'imposer une solution. Si elle ne fait pas assez entendre sa voix, c'est parce qu'elle doit encore mettre au point son système de gouvernance. Le service européen pour l'action extérieure n'est pas à pied d'oeuvre, bien que Mme Ashton prenne peu à peu sa place et, même si l'UPM reste un projet d'avenir, elle reste inexistante.
À propos du Maroc, vous avez évoqué ce que les chercheurs nomment le « coût du non-Maghreb ». L'intégration régionale favoriserait la croissance, mais les pays restent tributaires d'une vision Nord-Sud et, faute d'une vision Sud-Sud, ne travaillent que très peu ensemble.
Le mouvement qui se dessine au Bahreïn est essentiellement politique. De même, les aspirations des manifestants de la place Tahrir étaient moins économiques que politiques : ils ont d'abord voulu changer le régime et les règles du jeu. Quant au régime marocain, qui a sa légitimité, il a su mettre en place des garde-fous.
S'il ne nous appartient pas de trouver le moyen de retenir les jeunes dans leur pays, nous devons éviter que nos consulats ou nos ambassades deviennent des forteresses d'où l'on jetterait de l'huile bouillante à l'approche des Sarrasins. Pour cela, il faut trouver un équilibre entre notre politique et celle des pays concernés. Le départ en masse vers Lampedusa tient à ce que les policiers tunisiens ont cessé de contrôler les frontières, offrant à une population attirée par l'extérieur le moyen d'émigrer.