On parvient à féminiser des métiers traditionnellement masculins : cela s'est fait, par exemple dans les secteurs du BTP et de l'automobile, avec des engagements volontaristes chiffrés. En revanche, pratiquement aucun progrès n'est perceptible quant à la masculinisation des métiers traditionnellement féminins – secteurs de la petite enfance, de l'éducation, du nettoyage, des services à la personne et des emplois de service – en général précarisés, sans représentation syndicale. On se rend compte que, de manière paradoxale, pour permettre à certains ou certaines cadres supérieurs de concilier, d'une part, leurs vie professionnelle, engagement syndical ou engagement politique et, d'autre part, leur vie de famille, on délègue la gestion des enfants à des tiers et, ce faisant, on crée de la précarité : ces tâches sont en effet déléguées à des femmes non qualifiées, ne bénéficiant généralement d'aucune formation professionnelle et souvent employées à temps partiel au domicile des parents dont elles doivent attendre le retour tard le soir avant de pouvoir rentrer chez elles, alors qu'elles ont elles-mêmes des enfants.
Aucune expérimentation n'a été menée en France visant à intéresser les hommes à des métiers traditionnellement féminins. Et on se rend compte à ce sujet que les stéréotypes sur la répartition des tâches entre les sexes ont la vie dure et s'installent dès la petite enfance : dès la crèche ou la maternelle, non seulement on ne parle pas de la même manière aux tout petits selon qu'il s'agit d'un garçon ou d'une fille mais encore les garçons ne sont pas valorisés dans les occupations « parentales ». Ce fait a été démontré par l'analyse des annonces publicitaires et par celle du contenu des manuels scolaires, de la presse enfantine, de la presse destinée aux adolescentes – que penser du titre « Jeune et jolie » ? – et de la presse féminine : toute notre société reproduit un modèle de différenciation des activités selon les sexes. Dans ce contexte, une entreprise à laquelle on chercherait à imposer un recrutement mixte serait fondée à dire qu'elle n'y est pas aidée par l'Éducation nationale qui ne forme pas les hommes pour le secteur considéré.
D'autres facteurs incidents jouent. Par exemple, si les campagnes de recrutement d'hommes dans les crèches n'aboutissent pas, c'est parce que des parents, même très engagés en faveur de l'égalité professionnelle, répugnent à confier leur nourrisson à un homme, par crainte de la pédophilie. Cette crainte est encore plus forte pour la garde à domicile : dans une crèche, mode de garde collectif, on suppose qu'une autorégulation se produit, mais à domicile, peut-on accepter de confier son enfant à un assistant maternel, de le laisser seul avec lui toute la journée et sans aucun contrôle ? On sait qu'aux États-Unis, certains parents ont installé des caméras pour surveiller à distance ce qui se passe chez eux.
Certains pays ont mené des campagnes pour intéresser des hommes aux métiers de la petite enfance, considérant que par ce biais, les hommes adopteraient d'autres représentations : les valeurs féministes que l'on acquiert quand on s'occupe des tâches au foyer. Ce type de campagnes, dont l'objectif sous-jacent est d'induire des changements sociaux radicaux, est difficile à mener : en Flandres, des campagnes volontaristes ont fait passée de 2 % à 20 % la proportion d'hommes dans les écoles de puériculture ; mais avec le recul on constate que ces hommes ne restent pas : soit, selon le schéma traditionnel, ils prennent des responsabilités et deviennent très rapidement directeurs de crèche, soit ils partent car ils sont moins bien payés que s'ils pratiquaient un métier traditionnellement masculin.