Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes collègues, maintenant ce n'est plus un secret : l'hôpital public en Martinique est à la peine.
Depuis quelque temps, et sans exagérer, il patauge dans des difficultés inouïes. Cette situation est devenue préoccupante car elle se dégrade année après année. Les causes en sont multiples, au point que c'est ma cinquième intervention sur ce sujet en deux ans.
Ces interrogations concernent l'état des ressources financières des centres hospitaliers, notamment ceux du Carbet et du CHU de Fort-de-France. S'il est vrai qu'à tous les niveaux des redressements sont à opérer et que tous genres de dérives répréhensibles doivent être éliminés, il serait mal venu pour autant de vouer aux gémonies l'institution elle-même. Il serait profondément injuste de ne pas reconnaître son rôle irremplaçable.
Sans remonter à l'époque où les pandémies décimaient une frange importante de la population, l'hôpital public a accompli courageusement sa mission, grâce aux moyens mobilisés, mais aussi grâce au dévouement et à l'abnégation du personnel et des praticiens.
Maintenant, nous devons passer à une nouvelle étape qui implique réformes, rénovations et réaménagements. C'est le sens de la loi du 21 juillet 2009, qui tend globalement à appréhender les problèmes liés à l'hôpital, aux patients, à la santé et aux territoires.
D'où la nécessité de mettre en branle un véritable remue-ménage et remue-méninges, avec pour finalité d'augmenter la performance des services rendus aux malades. Toutefois, ce projet d'organisation sanitaire ne peut valablement se mettre en place avec les déficits colossaux actuels et sans engagements financiers pérennes.
À vrai dire, on est déjà au bord de l'explosion. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En 2007, le déficit de cinq établissements sur douze était de 10,264 millions d'euros. En 2008, le déficit avait grimpé à 18,853 millions d'euros pour six établissements sur douze. En 2009, un summum a été atteint avec 52 millions pour huit établissements sur douze !
La conséquence immédiate est que les impayés à l'endroit des seuls fournisseurs bloquants pour le seul CHU de Fort-de-France se sont élevés à 6,5 millions d'euros. Les carences importantes portent sur les produits de première nécessité et le matériel de base. C'est le patient qui en pâtit en dernier ressort. Pour l'anecdote, le manque de films spéciaux indispensables à la radiographie a provoqué, en ce début d'année, la suspension des mammographies à la Maison de la mère et de l'enfant, et les patients ont été orientés temporairement vers le privé.
Dans de telles conditions, la sonnette d'alarme déjà tirée à plusieurs reprises doit retentir une nouvelle fois.
Les causes de ces dégradations sont en effet bien connues. Elles ont pour nom : coût d'exploitation élevé ; surcoûts dus au stockage et à l'éloignement ; opérations lourdes, peu nombreuses mais très coûteuses ; pertes de recettes dues à la T2A ; surcoûts d'improductivité estimés à 17 % après audit ; créances irrécouvrables de 30 millions d'euros, etc.
À cela, il faut ajouter des retards en équipements à combler, de nouveaux défis à relever et la prise en compte des pathologies spécifiques. On pense à la mortalité périnatale, deux fois plus élevée qu'en métropole. On pense à la prévalence du diabète et de l'obésité et des maladies qui en découlent. On pense à la montée inquiétante de l'hypertension artérielle avec la cohorte de ses conséquences : l'infarctus, l'AVC, l'insuffisance rénale. On pense à la drépanocytose, à la polytoxicomanie, à la maladie d'Alzheimer et au vieillissement, déjà constaté, de la population. Il ne s'agit nullement d'assombrir le tableau mais de dresser un état des lieux le plus objectif et le plus exhaustif qui soit.
Je ne peux terminer sans évoquer le secteur de la psychiatrie sur lequel je poserai ultérieurement une question particulière, compte tenu du temps qui m'est imparti aujourd'hui.
Face à une telle situation, particulièrement difficile, Mme Roselyne Bachelot, alors ministre de la santé, présentait, en 2009, un plan spécifique dénommé Plan santé outre-mer. Ce plan préconise une carte sanitaire complètement reconfigurée.
Ce projet risque d'être compromis si certains préalables ne sont pas traités : résorption des déficits dont je viens de parler ; financement des créances irrécouvrables grevant la trésorerie des établissements ; élargissement et financement des missions d'intérêt général et spécifiques pour les activités médicales coûteuses et nécessairement déficitaires compte tenu de la taille de la population ; révision du coefficient géographique de 25 % à 28 %, cette revalorisation étant destinée à compenser les surcoûts réels observés en Martinique après calculs sur place ; concertation fructueuse avec le personnel hospitalier toutes catégories confondues.
En conclusion, l'hôpital public n'est-il pas la clef de voûte du système de santé ? Sa mission n'est-elle pas d'assurer, avant tout, l'égalité d'accès aux soins pour tous ? Sa réorganisation pour rendre cette mission encore plus efficace ne doit-elle pas se faire sans casses inutiles, madame la secrétaire d'État ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)