Madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, les bénéficiaires d'une pension d'invalidité modeste peuvent prétendre, sous conditions, à un complément de ressources au titre de l'allocation supplémentaire d'invalidité.
Cette allocation a pour objet de garantir aux personnes qui perçoivent une allocation d'invalidité relevant d'un régime de sécurité sociale un montant de ressources minimum pour subvenir à leurs besoins. L'objectif est que le total des sommes versées atteigne un montant au moins égal à celui de l'AAH.
L'ASI est versée jusqu'à ce que son titulaire atteigne l'âge requis pour bénéficier de l'allocation de solidarité aux personnes âgées.
Or, contrairement aux titulaires de l'AAH, qui, généralement, et pour des raisons évidentes, n'ont pas acquis de rente d'invalidité par leur travail, les bénéficiaires de l'ASI, comme ceux de l'ASPA, se voient appliquer le principe de récupération sur succession. En effet, cette allocation est apparentée à une prestation d'aide sociale légale. À ce titre, le code de la sécurité sociale prévoit la récupération de tout ou partie de l'aide versée sur la succession du bénéficiaire dès lors que l'actif successoral net est supérieur à 39 000 euros.
Cette situation est injuste, pour plusieurs raisons.
Premièrement, le principe de récupération s'oppose à la notion même d'aide sociale, puisque la communauté doit venir en aide à l'un des siens de manière solidaire afin de lui garantir un minimum de ressources dès lors que les différentes solidarités, et en premier lieu les solidarités familiales, sont devenues défaillantes. À ce titre, les personnes dans le besoin qui ont malgré tout acquis une modeste rente d'invalidité par leur travail doivent pouvoir bénéficier d'un complément de revenus grâce à cette ASI. La société ne peut pas, par le biais du principe de récupération, traiter ces sommes versées comme s'il ne s'agissait finalement que d'un prêt consenti à l'allocataire, ou du moins un prêt que ses futurs héritiers devraient rembourser.
Deuxièmement, le principe de récupération s'oppose à la notion de cohésion sociale. Pour les personnes qui sont atteintes de maladie invalidante, le bénéfice de cette allocation a pour objet de leur permettre d'avoir un revenu minimum, au même titre que les bénéficiaires de l'AAH, qui, elle, n'est heureusement pas soumise au principe de récupération. Cet état de fait introduit une forme d'inégalité de traitement entre les personnes atteintes de maladie invalidante et celles en situation de handicap. Cette inégalité n'est en rien justifiée.
Enfin, je souhaite souligner le fait que le seuil de récupération est à tout le moins trop bas, ce qui pose problème.
La récupération des sommes versées au titre de l'ASI est autorisée, je le répète, dès lors que l'actif successoral net est au moins égal à 39 000 euros. Aussi certaines personnes éligibles à cette allocation prennent-elles la décision de la refuser, au motif qu'ils ne veulent pas que le montant versé au titre de l'ASI soit récupéré sur les sommes ou sur le patrimoine revenant à leurs enfants dans le cadre de la succession. Cela est particulièrement vrai pour les personnes disposant d'un patrimoine peu important.
À titre d'exemple, je peux citer le cas d'une personne que j'ai rencontrée récemment, qui touche une pension d'invalidité de 490 euros par mois. Elle peut donc légitimement bénéficier de l'ASI, mais elle préfère y renoncer. Pourquoi ? Parce qu'elle propriétaire d'une maison familiale dont la valeur est estimée à un peu moins de 100 000 euros, et qu'elle est mère de deux enfants dont les revenus et le patrimoine ne leur permettront pas d'effectuer le reversement qui leur sera réclamé après son décès. Elle préfère donc se passer de l'ASI, afin de ne pas obérer la succession, modeste, qu'elle veut laisser à ses enfants.
Cela est encore plus injuste quand on se rappelle les différentes modifications apportées au régime des droits de succession et portant sur des patrimoines beaucoup plus élevés.
Pour toutes ces raisons, je souhaiterais connaître, madame la secrétaire d'État, les intentions du Gouvernement quant au principe de récupération qui est associé au versement de l'ASI, mais aussi à celui de l'ASPA, afin de permettre à ces personnes, déjà fragilisées, de mener une vie décente sans craindre pour l'avenir de leurs enfants et pour le patrimoine de ceux-ci.
La transformation de la PSD en APA sous le gouvernement Jospin avait constitué une avancée importante en matière de non-récupération sur succession, et donc de solidarité. Il serait souhaitable que l'ASI et l'ASPA puissent connaître la même évolution.