Pour commencer, je veux exprimer ma déception que ce texte soit à ce point centré sur les soins psychiatriques sans consentement. Nous aurions souhaité que l'on prenne en considération la maladie mentale dans toutes ses dimensions, médicale, sociale et thérapeutique, en n'oubliant pas les structures de prise en charge et de réadaptation.
Vous avez affirmé, monsieur le rapporteur, qu'il fallait dépister, traiter et suivre, ce qui suppose la création de structures adaptées, avec des professionnels formés, et la mise en oeuvre d'une grande politique en la matière. Pourtant, ce texte ne traite que d'un aspect particulier et relativement modeste, les soins sans consentement représentant moins de 20 % des personnes suivies en psychiatrie. D'où cette impression d'une énième loi d'inspiration sécuritaire, qui découle, rappelons-le, du drame de Grenoble, lequel avait été suivi du discours du Président de la République à Antony et de la circulaire de Mme Bachelot et de M. Hortefeux sur les sorties d'essai. Ce contexte « plombe » un texte qui, pourtant, est utile.
L'équilibre est difficile à trouver, dans la mesure où l'on doit tenir compte à la fois des impératifs de santé – prioritaires –, de sécurité – du patient et de la société – et de liberté. Or ce texte part avec un handicap sérieux, dans la mesure où il ne traite pas de la maladie mentale dans son ensemble.
L'intervention du juge constitue un progrès indiscutable en termes de défense des libertés, mais elle suscite beaucoup d'interrogations. Quand et dans quelles conditions se fera-t-elle ? Par ailleurs, sans moyens supplémentaires pour former des juges et embaucher du personnel, une telle mesure resterait un voeu pieux ou ne ferait qu'aggraver l'encombrement de la justice.
En outre, il faut impérativement éviter la stigmatisation des patients et, comme l'a proposé le rapporteur, accorder un droit à l'oubli. De même, le régime dérogatoire par rapport au droit commun nous paraît excessif par certains aspects et, si le texte simplifie utilement les modalités de soins sans consentement, il rend plus difficile la sortie de ces soins.
S'agissant du trouble à l'ordre public, je sais bien qu'il s'agit d'une notion juridique dont l'acception peut être précisée par la jurisprudence, mais, en tant que médecin, son application à des patients me gêne. Il y a tant de façons de troubler l'ordre public ! Manifester devant un ministère, n'est-ce pas troubler l'ordre public ? Une telle notion ne relève pas de la maladie mentale !
L'ouverture aux soins ambulatoires permettra au patient de ne pas être enfermé en permanence, mais elle soulève des interrogations parmi les familles et les professionnels. Nous pensons que ces soins doivent être donnés par des professionnels dans des lieux dédiés – et, plus précisément, dans les structures de secteur – et non, faute de moyens, dans les familles.
Pour conclure, la maladie mentale relève d'un suivi individualisé – ce qui suppose des moyens – permettant de dépister, de diagnostiquer et de traiter, sous peine de mettre le patient et son entourage en danger. Faute de suivi, beaucoup de malades mentaux commettent, dans des moments de crise, des actes criminels et se retrouvent en prison, au lieu d'être accueillis dans des structures adaptées. Du coup, on est obligé de prévoir des soins sans consentement. Il convient donc de s'attacher aux moyens matériels qui permettront la mise en oeuvre d'une politique assurant la protection des patients et de la société dans le respect des libertés individuelles.