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Intervention de Serge Blisko

Réunion du 1er mars 2011 à 21h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Blisko :

Le rapporteur a fait un bon tour d'horizon de la question.

Il importe de réaliser que les maladies psychiatriques – qui touchent, comme le rappelle l'étude d'impact, quantité de familles, sans distinction de milieu – sont d'abord une pathologie de la liberté. Quand elles suivent leur traitement, les personnes concernées sont comme vous et moi, mais dès qu'elles vont mieux, elles arrêtent les traitements souvent lourds et dévastateurs, et, de ce fait, ne sont plus en état de choisir librement leurs soins. Ajoutons que les maladies les plus graves, qui font l'objet de ce projet de loi, sont à long, voire très long terme, et durent parfois une vie entière.

À l'origine, ce texte répondait à une préoccupation exclusivement sécuritaire ; comme souvent, il est la conséquence d'un fait divers tragique. Pourtant, il soulève de vraies questions, notamment celle des soins dits « sous contrainte » à l'extérieur de l'hôpital, qui sont réclamés par nombre de familles et de professionnels. Je rappelle qu'en France, une personne souffrant de troubles psychiatriques peut être enfermée dans un hôpital et voir sa liberté d'aller et venir restreinte, tout en ayant la possibilité de refuser d'être soignée. Il convient donc à la fois de respecter la liberté individuelle et de prendre en considération le fait que les personnes soumises à une médication ne sont pas tout à fait libres au sens où nous l'entendons.

De ce point de vue, ce texte, qui a été fortement corrigé à la suite de la décision du Conseil constitutionnel, manque de cohérence. L'impression prévaut que deux philosophies s'y opposent : d'une part, le souhait – avec lequel on ne peut qu'être d'accord – de respecter la liberté du malade tout en l'incitant à se soigner ; d'autre part, la volonté sécuritaire – détestable – de protéger la société contre la maladie mentale. Il faut éviter la stigmatisation des patients, et je ne vois pas à quoi servirait un registre national mentionnant des données si intimes. Qui aurait le droit de le consulter ? Pourrait-il être transmis aux forces de police ?

Par ailleurs, une telle réforme ne pourra être menée à moyens constants. Avec le rapporteur, nous avons calculé le nombre de certificats nécessaires : c'est irréaliste ! L'étude d'impact montre bien que, dans les départements ruraux, les quelques psychiatres publics disponibles seraient astreints à de continuelles allées et venues. Idem pour les juges : nous sommes favorables à ce que le juge des libertés et de la détention intervienne au bout de quinze jours, mais les procédures sont tellement lourdes et les juges si peu nombreux que je vois mal, même en ayant recours aux visioconférences, comment cette mesure pourra être mise en oeuvre, sachant qu'elle concernera 50 000 à 80 000 personnes et qu'il faudra de surcroît former les juges. D'ailleurs, monsieur le rapporteur, vous n'avez pas évoqué le problème des transports de personnes en crise : les SDIS n'aiment pas cela, la police estime que ce n'est pas son travail, et les ambulanciers des hôpitaux psychiatriques ne sont pas assez nombreux.

Je souhaite donc qu'à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, qui peut être largement amélioré, on ait à l'esprit, premièrement, qu'il s'agit de malades qui posent des problèmes particuliers, deuxièmement, que ce n'est pas à moyens constants que l'on améliorera la politique de la santé mentale, qui, dans tous les pays développés, sera l'un des grands chantiers de demain.

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