Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de loi vise, pour l'essentiel, à transposer une directive européenne de 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle. Cette directive est largement inspirée du droit français et de la procédure dite de saisie-contrefaçon, qui a montré son efficacité. Elle sera désormais pratiquée dans toute l'Union européenne, ce dont on ne peut que se réjouir.
Elle apporte à notre droit des atouts supplémentaires pour mieux lutter contre la contrefaçon, véritable fléau de société dont les conséquences, désormais mieux chiffrées, sont très néfastes pour notre économie : destructions d'emplois, pénalisation des entreprises les plus innovantes et pertes de ressources fiscales, non négligeables en cette période d'austérité – pour ne pas dire le mot qui fâche : rigueur.
Mais il ne faut pas oublier que la contrefaçon cause aussi un fort préjudice au consommateur lui-même. Si celui-ci croit souvent réaliser une bonne affaire, le rapport qualité-prix de ces produits n'en reste pas moins toujours déplorable. Autrement dit, le consommateur sera toujours perdant.
De ce point de vue, beaucoup reste à faire pour l'éduquer en lui montrant que son intérêt direct est en jeu et pas seulement celui de son pays ou des entreprises françaises. Il y va tout simplement de son porte-monnaie, quand il ne s'agit pas, en plus, de sa santé ou de sa sécurité. Je pense aux faux médicaments qui ne soignent pas mais parfois aggravent le mal, aux faux cosmétiques, aux jouets pour les enfants qui ne respectent aucune des normes de protection, ou encore aux pièces détachées du secteur automobile qui présentent des risques évidents pour la vie de chacun.
Il fallait absolument procéder au plus vite à cette transposition, pas seulement parce que nous sommes en retard, mais tout simplement parce cette directive représente un réel progrès.
Toutefois, j'attire l'attention du Gouvernement sur l'importance des décrets d'application si l'on veut permettre à ce texte d'être pleinement efficace, et à notre législation de bénéficier au mieux des avancées de la directive.
Premier apport : le projet de loi prévoit la mise en oeuvre de mesures provisoires et conservatoires efficaces : injonctions visant à faire cesser la contrefaçon, saisies de marchandises, constitution de garanties, dommages et intérêts provisionnels.
Les victimes pourront alors saisir le juge par le biais d'un référé ou d'une requête, afin de demander l'application de ces mesures. Leur transcription concerne l'ensemble des nombreux droits de propriété intellectuelle, littéraire et artistique, les marques, dessins et modèles, ainsi que les secteurs plus récents, tels que les systèmes d'information, les certificats d'obtentions végétales ou certaines appellations d'origine.
Deuxième avancée : l'introduction et la consécration du droit d'information, qui est probablement la principale innovation du texte. Ce droit permet de contraindre les personnes en possession de marchandises contrefaisantes à fournir des « informations sur l'origine et les réseaux de distribution des marchandises ou des services qui portent atteinte à un droit de propriété intellectuelle ». C'est, pour notre droit, un progrès important qui devrait nous permettre de démanteler plus facilement les réseaux de contrefaçon.
La troisième avancée consiste en une amélioration de la réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon. Notre arsenal législatif en sortira renforcé, car le dispositif actuel de la réparation est notre maillon faible. Le montant des réparations allouées par les juridictions françaises décourage souvent les entreprises concernées de saisir les tribunaux, car les procédures sont bien évidemment onéreuses et il est très difficile d'apporter la preuve du préjudice subi. Il est donc nécessaire de mettre en place une procédure qui permette de prendre en compte les bénéfices réalisés par le contrefacteur.
Mes chers collègues, les réelles avancées que permettra la transposition de la directive justifient que nous adoptions ce projet de loi, en tenant compte des modifications apportées par le Sénat, voire en les améliorant, comme le propose notre rapporteur. Je pense, par exemple, aux amendements de notre commission des lois qui visent à rendre encore plus efficace l'action des services de l'État dans la répression de la contrefaçon, entendue pour ce qu'elle est : une activité criminelle. Pour ce faire, il convient de supprimer un certain nombre de barrières juridiques et administratives afin de faciliter la circulation de l'information entre les différents services des douanes et de la DGCCRF, qui doivent avoir les moyens humains et matériels nécessaires à leur action. De la même façon, j'approuve la proposition de notre rapporteur de permettre à la cellule Tracfîn, créée en 2006 au sein du ministère de l'économie, d'étendre ses investigations au champ des profits illicites tirés de la contrefaçon.
Vous l'aurez compris, les députés radicaux de gauche voteront ce projet de loi. Mais si nous légiférons dans le cadre national et si nous progressons vers une meilleure harmonisation européenne, il ne faut pas oublier que la lutte contre la contrefaçon ne peut être pleinement efficace que si elle s'organise à l'échelle mondiale. Beaucoup reste donc à faire !