La France a toujours été à la pointe de la lutte contre la contrefaçon et ce texte va permettre d'améliorer encore notre arsenal de lutte contre ce fléau pour notre économie.
Depuis plusieurs années, la contrefaçon est devenue une priorité politique pour l'Europe qui a choisi de lutter contre un phénomène qui, d'une part, menace notre base technologique industrielle d'un pillage organisé à grande échelle et, d'autre part, porte de graves atteintes à la sécurité et à l'ordre public.
Loin d'être un sujet technique, la contrefaçon revêt un nouveau visage qui n'a plus rien à voir avec l'activité essentiellement artisanale et localisée de ses débuts consacrés uniquement à la production de faux produits de luxe.
Il s'agit aujourd'hui d'un secteur hautement productif qui repose sur des industries, des holdings, des investissements et des filières d'acheminement, de distribution et de stockage. Cet univers fortement structuré peut tout produire, des lentilles de contact aux jouets ; des plaquettes de freins aux stations-service ; des antibiotiques au lait en poudre. Il peut tout copier, des CD aux jeux vidéo, et tout vendre. Au total, l'économie parallèle de la contrefaçon, dont la mesure statistique est par définition difficile, représenterait 10 % du commerce mondial et aurait induit une perte de 200 000 emplois dans l'Union européenne, dont 30 000 au moins en France.
Cette économie globale est d'autant plus effrayante qu'elle est contrôlée et financée par des réseaux criminels, voire mafieux. Ceux-ci diversifient leurs activités délictuelles pour, d'une part, minimiser les risques pénaux et, d'autre part, bénéficier du taux de retour d'une production et d'un trafic qui, comme celui de la drogue, garantit 10 euros de bénéfice pour un euro de dépense.
Mais la contrefaçon ne fait pas que nourrir le crime : elle porte aussi des coups destructeurs à la vie et à la santé des personnes en inondant le marché de produits dangereux, destinés à nous équiper, nous déplacer, nous soigner et nous divertir.
Cette activité constitue l'un des plus grands désordres de la mondialisation. Elle bafoue non seulement le droit qu'a tout être humain de voir ses inventions protégées mais ignore aussi toutes les réglementations douanières, pénales et sanitaires. Ce sont ces menaces pour notre sécurité et notre économie que ce projet de loi prend au sérieux.
À la suite de la directive européenne du 29 avril 2004 relative au respect des droits de la propriété intellectuelle, la délégation pour l'Union européenne avait accordé un grand intérêt à l'étude de ce problème. À cette occasion, j'avais rédigé un rapport d'information sur l'Europe et la contrefaçon. Je me félicite que le projet de loi que nous examinons reprenne quelques-unes des propositions de ce document.
Il convient de renforcer les instruments juridiques de lutte contre la contrefaçon. Nous ne pouvons plus nous satisfaire d'une justice inadaptée – car peu qualifiée en la matière – pour endiguer un fléau d'une telle ampleur. Le combat contre la contrefaçon ne pourra pas être gagné sans une implication forte des magistrats, qui doivent être sensibilisés au lien entre cette activité et la grande criminalité. Il est devenu impératif de créer, au sein de l'ordre judiciaire, des tribunaux de commerce spécialisés.
En outre, la France doit adopter un cadre pénal sévère qui incrimine les atteintes à la propriété intellectuelle, y compris dans les cas où cette infraction ne peut être assimilée à une « échelle commerciale », et aggrave les peines encourues dans les cas ayant un lien avec la criminalité organisée ou mettant en danger la santé ou la sécurité des personnes.
Par ailleurs, si l'Union européenne veut être réellement efficace dans ce combat, il n'est plus permis de négliger les lacunes dont les états membres souffrent dans le domaine de la coopération douanière. Il doit dorénavant être possible de créer, en s'appuyant sur les travaux d'Interpol, une base de données internationale permettant d'échanger, entre les autorités répressives, des informations et des documents sur les délits liés à la propriété intellectuelle et d'amplifier les opérations transfrontalières que cette organisation coordonne.
Malgré ces orientations qui ont été retenues, ce dont je me félicite, il faut garder à l'esprit la rapidité et l'ampleur avec lesquelles cette menace nous frappe. Dans mon rapport d'information, en 2004, je soulignais la quantité colossale d'interceptions effectuées par les douanes communautaires, soit 100 millions d'articles par an. Le récent rapport de la Commission européenne sur les saisies de marchandises de contrefaçon dans l'Union, nous fait part pour l'année 2006 de la saisie de 250 millions d'articles !
Si l'Union européenne est submergée par une telle vague, c'est parce qu'elle a malheureusement pris trop tardivement conscience du phénomène destructeur, aux dimensions effrayantes, qu'est la contrefaçon alors que notre pays a toujours été à la pointe de ce combat.
La France et l'Union européenne doivent agir vite, car tout retard menace d'emporter le système de protection des inventions et des oeuvres de nos créateurs et de notre industrie. Elles doivent, de plus, parler haut et fort sur le sujet, car la contrefaçon est un désordre planétaire, qui fausse la loyauté des échanges et crée à terme des conditions de concurrence insoutenables pour l'économie mondiale.
Dès lors, elles doivent proposer à leurs partenaires développés, ainsi qu'à toute la communauté internationale, un ensemble de mesures cohérent, propre à susciter une mobilisation efficace. Mais, elles ne peuvent le faire qu'en donnant l'exemple, c'est-à-dire en pratiquant elles-mêmes la tolérance zéro.
Bref, l'Europe doit tout mettre en oeuvre pour juguler une industrie de masse criminogène qui transforme l'économie en force destructrice de notre prospérité et de notre sécurité.