Ce texte, qui a pour objet de transposer la directive européenne de 2004, introduit des avancées majeures dont le Nouveau Centre se félicite : des procédures accélérées de saisine du juge en cas d'urgence ; la possibilité pour le requérant de demander des mesures provisoires s'il démontre que le caractère « imminent » ou « avéré » de l'atteinte à son droit est vraisemblable ; ce qui constitue une exigence moins lourde que les termes « manifeste » et « sérieux » des référés actuels ; l'introduction d'un droit à l'information obligeant les personnes en possession d'articles contrefaits à fournir des indications sur leur origine ; enfin, une amélioration sensible du calcul des dédommagements accordés par les tribunaux aux victimes de contrefaçons.
Permettez-moi cependant une question : pourquoi sommes-nous encore en retard pour cette transposition ? C'est une vilaine habitude française ! Quand une transposition heurte notre culture juridique, commerciale ou politique, on peut à la limite comprendre certains retards. Mais puisque, dans le cas présent, on tarde à transposer un texte qui va dans le sens de l'intérêt national, permettez aux militants de la construction européenne que nous sommes, qui souhaitent que le Gouvernement s'engage au plus tôt à transposer les textes simples allant dans le bon sens, de vous demander pourquoi un tel retard.
Nos collègues, notamment M. Brochand, l'ont souligné : le constat que la contrefaçon est un défi majeur est unanime. Les chiffres laissent stupéfaits. Désormais, le commerce des produits contrefaits représente environ 10 % du commerce mondial, soit au moins 200 milliards d'euros. En France, les saisies douanières ont atteint en 2005 le chiffre total de 5,6 millions d'articles, soit une augmentation de 60 % par rapport à l'année précédente. L'augmentation est vertigineuse. On estime que la contrefaçon est responsable chaque année de la perte de 30 000 emplois dans notre pays. Le chiffre est difficile à calculer, mais à coup sûr considérable. En quelques décennies, la contrefaçon est passée d'un stade artisanal à des filières très réactives et très rentables.
Ce qui est grave – et montre que le débat est politique – c'est que les Français n'ont pas encore pleinement conscience des méfaits de la contrefaçon. Un sondage réalisé par l'IFOP, dont le résultat est glaçant, révèle que 35 % d'entre eux déclarent ouvertement acheter des produits de contrefaçon, 31 % disent acheter ou être prêts à acheter des contrefaçons de vêtements de marque, 24 % de parfums, 25 % de maroquinerie et de chaussures, et 23 % de CD et de DVD. Nous avons donc du pain sur la planche.
La contrefaçon a pourtant des effets dévastateurs. Les entreprises en sont bien sûr les premières victimes, qui subissent de son fait une importante dépréciation de leur image de marque et donc de leur fonds de commerce. Surtout, elles voient s'effondrer leurs efforts d'investissement en matière de recherche, d'innovation et de développement. Mais ce que les consommateurs oublient le plus souvent, c'est qu'ils sont eux aussi victimes de la contrefaçon, qui peut mettre en danger leur sécurité et leur santé du fait du non-respect des normes de fabrication et de sécurité des produits copiés.
L'exemple des médicaments est éclairant. Selon l'OMC, 6 % de ceux qui sont vendus dans les pays développés sont contrefaisants et l'on estime que 125 000 personnes meurent chaque année aux États-Unis du fait des contrefaçons de médicaments. Le groupe du Nouveau Centre tient lui aussi à saluer, sur ce point, le travail accompli au Sénat et l'adoption d'un amendement visant à faire de la contrefaçon qui porte atteinte à la santé ou à la sécurité des personnes et des animaux une circonstance aggravante.
Mais les médicaments ne sont pas les seuls concernés par la contrefaçon. Jouets, appareils électroménagers, pièces détachées, maroquinerie, aucun secteur n'est épargné ; tous sont touchés.
En tout état de cause, même si un certain nombre de questions restent en suspens, ce texte va dans le bon sens et permettra de lutter utilement contre la contrefaçon. Naturellement, le groupe du Nouveau Centre le votera.
Mais, à ce stade de la discussion générale, nous devons voir plus grand que la transposition bien naturelle et bien tardive d'une directive qui va dans le bon sens. L'orateur précédent a bien posé le problème : quelle vision avons-nous de la propriété intellectuelle et de la fraude à la propriété intellectuelle ? Sur ce sujet, central en matière de politique industrielle mais aussi de croissance, pas plus que sur la question des droits d'auteur, le Nouveau Centre ne se divise pas : sa position est une.
Je me souviens de la nuit du 23 décembre 2004 durant laquelle nous avions déclaré ici l'Internet laïc, gratuit et obligatoire. Ce rappel permettra aux parlementaires de ne pas oublier qu'ils ont eu, eux aussi, leurs propres errements sur des sujets qui relevaient de la problématique de la propriété intellectuelle.
Au Nouveau Centre, nous estimons qu'il faut, par le biais de la protection de la propriété intellectuelle, rémunérer l'innovation et la recherche. En contrepartie, nous nous opposerons toujours à une économie de rente construite sur une durée excessive de la protection.
J'ai aimé ce que disait notre collègue Guillaume Garot sur la nécessité de mettre en place des régimes d'exception notamment en ce qui concerne les médicaments à l'usage des pays émergents. Mais plus globalement, nous disons avec force que, pour les droits d'auteur ou les brevets, dès qu'est prévue une durée de protection industrielle trop longue, cela ne sent pas bon !
Autre débat : nous espérons que la jurisprudence permettra d'appliquer le concept d'« atteinte imminente » dans le secteur pharmaceutique, qui a besoin de protéger ses inventions sur une durée de dix à quinze ans. En effet, la triche de certains fabricants de médicaments génériques qui ne respectent pas la durée des brevets met gravement en danger l'innovation dans cette industrie.
Il conviendra cependant d'aller plus loin que la mise en place de cet arsenal juridique car il ne suffira pas, à lui seul, à éradiquer ces pratiques. La lutte contre ce fléau passe aussi par l'information et la sensibilisation du grand public. Je sais, monsieur le secrétaire d'État, que vos services ont mené une campagne de sensibilisation télévisée au printemps 2006. Il faudra renouveler cette expérience et, pour toucher les jeunes, il conviendra de l'intensifier sur le Web.