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Intervention de Bernard Brochand

Réunion du 2 octobre 2007 à 15h00
Lutte contre la contrefaçon — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Brochand :

Or l'innovation et la créativité sont au coeur même des valeurs qui fondent un régime démocratique.

Les marques sont souvent des noms de personnes qui sont synonymes de confiance et de fiabilité. Nous ne devons ni critiquer, ni éliminer ce supplément d'âme que l'on confère aux produits. La vie serait en effet bien triste si nous étions privés de l'imaginaire mis dans les produits et les services. Le consommateur n'est pas stupide, il n'adhère pas aux marques qui lui font des promesses excessives. En revanche, acheter par exemple un produit de luxe, français de surcroît, revient à acquérir dans le monde entier une part de rêve, et, bien souvent, de rêve de la France. Toutes les marques pour lesquelles j'ai travaillé avaient une démarche identique, la recherche de l'excellence et de l'innovation.

Une marque est onéreuse parce que, en amont de la production, elle doit financer la recherche et le développement, c'est-à-dire la créativité. Ne pas récompenser ce travail de créativité conduirait à la disparition de notre société.

La créativité constitue une véritable valeur ajoutée. L'acte de création représente en moyenne 30 % du prix d'un produit de luxe ou même de sport. La production représente elle aussi 30 % du prix. Ensuite, il convient de vendre le produit, de le distribuer, d'en faire la publicité, ce qui représente les 40 % qui restent. Les contrefacteurs, qui n'ont pas de telles charges, multiplient leurs profits par dix et se livrent à un vol manifeste. Il est dès lors facile de comprendre pourquoi ces trafics rapportent autant d'argent, en cash de surcroît, à leurs importateurs et revendeurs, qui ont bien compris qu'il valait mieux, compte tenu des risques, vendre un kilo de DVD ou de sacs de contrefaçon qu'un kilo de haschisch.

C'est donc très naturellement que cette forme de délinquance apparaît souvent liée aux réseaux criminels, au terrorisme, aux mafias, au blanchiment d'argent, au trafic de stupéfiants, d'armes, et même d'êtres humains. « La contrefaçon », disait le secrétaire général d'Interpol, « est une activité criminelle à part entière, elle n'est pas en périphérie des autres activités criminelles mais bien au coeur de celles-ci. » On sait très bien que le Groupe islamique armé, le GIA, et Al-Qaïda se sont en partie financés grâce à des contrefaçons dans le domaine du textile. À New York, les saisies des douanes permettent d'ailleurs souvent de découvrir des armes et des stupéfiants dans les mêmes cargaisons que celles des produits contrefaisants.

Quand on parle de dangerosité, il y a une chose qui est rarement mise en avant, ce sont les atteintes au développement durable, environnemental, social et sociétal causés par les contrefacteurs. Or la contrefaçon s'inscrit bien sûr en faux contre tous les principes du développement durable. Elle a un impact négatif sur l'environnement : aucun traitement raisonné des ressources, destruction d'écosystèmes, aucun bilan carbone, aucune gestion de l'eau, aucun recyclage des déchets, deux fois plus de rejets d'essence. Les piles contrefaites saisies sont en général près de cinq fois plus nocives pour l'environnement que des piles normales.

La contrefaçon bafoue aussi bien sûr tous les droits de l'homme : travail des enfants, travail forcé des ouvriers et absence totale de sécurité, absence de syndicalisation. Elle est enfin bien sûr antinomique de toute notion de développement local du pays puisqu'il n'y a pas de taxes, pas de cotisations sociales, pas de croissance forte et équilibrée, car il n'y a aucun retour économique pour la population.

Il s'agit enfin, bien sûr, d'un appauvrissement culturel pour les pays qui s'y livrent, la copie se substituant mécaniquement peu à peu à l'artisanat local.

Dans la palette des risques à rappeler, la contrefaçon peut aussi porter atteinte à la santé et à la sécurité des personnes qui consomment ces produits, et il s'agit là de l'un des aspects les plus inquiétants de la contrefaçon. Avec l'augmentation des contrefaçons de médicaments, nous sommes face à un réel danger sanitaire pour les consommateurs car ces produits n'offrent aucune garantie en termes de qualité et de sécurité. Ils sont fort peu développés dans les pays occidentaux, heureusement, mais ils sont fréquemment destinés aux régions les moins développées, et c'est dramatique.

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