Permettez-moi de vous rappeler les quatre traits principaux de ce projet de loi.
Premièrement, la preuve de la contrefaçon : dans ce domaine, le projet de loi étoffe et améliore la « saisie contrefaçon », procédure emblématique de l'efficacité du système français.
Instituée en 1993, à l'initiative du ministre de l'industrie de l'époque, Gérard Longuet, cette procédure a inspiré la directive que nous nous apprêtons à transposer aujourd'hui.
Deuxièmement, afin de lutter contre les effets néfastes de la contrefaçon, le projet de loi renforce les mesures provisoires qui peuvent être prononcées à l'encontre des contrefacteurs, et ouvre la possibilité d'adopter des mesures conservatoires à l'encontre des intermédiaires – notamment ceux qui opèrent via l'Internet.
L'autorité judiciaire pourra désormais exiger le rappel des marchandises contrefaisantes des circuits commerciaux. Je me félicite d'ailleurs que les débats au Sénat aient conduit à ne plus limiter ces procédures aux contrefaçons commises à l'échelle commerciale. Pour le Gouvernement, en effet, il n'existe pas de petite ou de grande contrefaçon, mais seulement un délit qu'il faut réprimer dès le « premier euro ».
Troisièmement, pour contribuer au démantèlement des réseaux, le projet de loi introduit un droit d'information permettant, sous astreinte, d'obtenir des informations sur l'origine des marchandises contrefaisantes et leurs réseaux de distribution. Le Sénat a souhaité renforcer les pouvoirs d'intervention des douanes et des services judiciaires de façon à faciliter le démantèlement des réseaux mafieux. Mais nous pouvons, comme le propose le rapporteur, aller encore plus loin dans ce domaine, en particulier pour ce qui concerne l'échange d'informations entre les services répressifs.
Quatrièmement, enfin, la réparation du préjudice subi est améliorée par l'intégration, dans le calcul des dommages et intérêts, des bénéfices réalisés par le contrefacteur. Cette nouvelle disposition juridique représente un progrès essentiel : comment décourager la contrefaçon si l'on ne fait pas payer ceux qui en sont responsables ? Pour frapper au coeur la contrefaçon, il faut viser le portefeuille !
La mise en oeuvre concrète de ces innovations procédurales sera facilitée par la spécialisation du contentieux de l'ensemble des droits de propriété intellectuelle : le Sénat a en effet décidé de concentrer le contentieux de la contrefaçon et de la validité des titres de propriété intellectuelle sur un nombre limité de tribunaux de grande instance, ce qui permettra de juger plus efficacement et plus rapidement les affaires de contrefaçon. Je me félicite de cette avancée, qui était attendue par les entreprises et les praticiens depuis de nombreuses années.
Le projet de loi comporte également des dispositions spécifiques au droit de la propriété industrielle applicable aux médicaments : est ainsi prévu l'octroi de licences obligatoires pour les brevets de produits pharmaceutiques destinés à être exportés vers des pays connaissant des problèmes de santé publique. En traduisant dans notre droit une décision de l'OMC d'août 2003 et un règlement communautaire de mai 2006, le Gouvernement montre son attachement à permettre la fabrication à moindre coût de médicaments en faveur des populations les plus défavorisées victimes de pandémies.
Naturellement, les médicaments en question continueront à être protégés par brevet. Un équilibre doit en effet être préservé entre les intérêts de nos entreprises et les besoins des pays en voie de développement. En particulier, ce nouveau dispositif ne doit pas faciliter une réimportation ou commercialisation sur le territoire français de produits fabriqués sous licence obligatoire. Nous aurons l'occasion d'y revenir, le rapporteur ayant émis sur ce point des propositions qui me semblent opportunes.
Avant de débuter l'examen du projet du Gouvernement, je souhaiterais préciser en quelques mots comment cet impératif de lutte contre la contrefaçon s'inscrit dans le cadre plus global de notre politique de promotion de l'innovation. Comme l'ont bien montré les débats animés que nous avons eus la semaine dernière lors de la discussion du projet de loi autorisant la ratification de l'accord de Londres – pour lequel Jean-Michel Fourgous s'est particulièrement investi, il faut lui rendre cet hommage –, la promotion d'un système efficace de défense des droits de propriété intellectuelle au niveau européen est bel et bien indissociable de notre objectif économique de création de richesses et d'emplois.
L'innovation est en effet aujourd'hui le moteur de la croissance des économies des pays développés. Et la protection de la propriété intellectuelle constitue un facteur déterminant du développement des entreprises, dont dépend la création de valeur et d'emploi. La propriété industrielle est essentielle : elle permet de protéger et de valoriser les avantages compétitifs des entreprises innovantes, elle favorise les partenariats technologiques, elle représente également la plus grande partie des actifs immatériels des entreprises.
En sens inverse, la contrefaçon prive les entreprises de la possibilité de valoriser leur créativité. Comme la défense des droits produit l'innovation, la négation de ces droits la détruit : dans une économie moderne, il est essentiel de comprendre cette loi. Les atteintes portées aux titulaires de droits de propriété intellectuelle réduisent leurs capacités de croissance, leurs moyens d'investissement, elles limitent les créations d'emplois par les entreprises. Cette perte de chiffre d'affaires et de parts de marchés se double souvent d'un préjudice moral : c'est l'image des entreprises qui est atteinte, au risque de pénaliser leurs activités internationales.
Laissez-moi vous citer des exemples éclairants de ce lien entre innovation et défense des droits de propriété intellectuelle. La Chine consacre une part très importante de sa richesse à la recherche et au développement, au point d'être classée au cinquième rang mondial dans ce domaine. Or, comme l'ont montré les chercheurs de l'OCDE, ce pays est peu innovant en raison du moindre respect que l'on y manifeste pour les droits de propriété intellectuelle. L'économie chinoise fait en effet trop de place à la contrefaçon et à la copie, et décourage ainsi les inventeurs et, d'une manière générale, toutes les personnes souhaitant mettre au point des produits ou des procédés innovants.
Deuxième exemple : vous savez à quel point les industries du luxe illustrent notre créativité, notre faculté d'innovation et notre capacité à créer de la valeur ajoutée. D'après le comité Colbert, elles représentent un chiffre d'affaires de 20 milliards d'euros – réalisé à 82 % à l'étranger – et contribuent à l'emploi de 115 000 personnes en France. Or elles sont particulièrement touchées par ce véritable fléau économique que constitue la contrefaçon, tout simplement parce qu'elles ont réussi à développer des marques, des formes et des dessins mondialement connus. C'est ainsi que les produits de luxe ont représenté, au premier semestre 2007, près de 50 % de la valeur des saisies douanières. La contrefaçon qui les touche limite leur capacité d'innovation et leur faculté de création d'emplois. C'est pourquoi, sans pour autant négliger les autres secteurs d'activité qui sont eux aussi durement frappés, le Gouvernement entend développer des mesures spécifiques pour mieux protéger l'industrie du luxe contre l'action des contrefacteurs.
Nous allons d'abord attirer l'attention des consommateurs français, par une campagne de communication à la fois dynamique et pédagogique, sur l'infraction que constitue l'achat de produits de luxe contrefaisants sur le territoire national ou à l'étranger.
Nous devons ensuite mobiliser les services chargés de la répression. Nous pouvons encore accroître nos efforts de contrôle dans ce domaine, et soyez assurés que nous allons le faire.
Enfin, nous allons renforcer la coopération internationale. Dès novembre, le comité franco-italien sera réuni afin d'améliorer notre action conjointe de lutte contre la contrefaçon. Car cette lutte se joue désormais pour l'essentiel au niveau européen et international. La contrefaçon est un phénomène qui par nature défie les frontières : une pratique de plus en plus répandue consiste par exemple, pour échapper aux contrôles, à fractionner les envois en petites quantités, par voie postale ou fret express. C'est un phénomène nouveau, lié à la mondialisation et au développement de la vente en ligne.
C'est la raison pour laquelle, dans nos déplacements à l'étranger, Christine Lagarde et moi-même veillons à intégrer la contrefaçon dans nos échanges avec nos homologues. Ce fut par exemple le cas lors de mon déplacement aux Émirats, qui constituent comme vous le savez l'un des grands centres mondiaux de transit de contrefaçon. Et je ferai de même lors de mon déplacement à Hongkong à la fin du mois, avec pour objectif de progresser vers la signature d'un accord douanier entre la France et Hongkong. Et si d'aventure je n'accordais pas toute l'importance voulue à ce sujet, les représentants du comité Colbert, qui m'accompagnent très souvent dans mes déplacements, ne manqueraient pas de me rappeler la priorité que constitue la lutte contre la contrefaçon pour nos entreprises.
Mesdames, messieurs les députés, en présentant ce projet de loi qui garantit aux titulaires de droits des procédures efficaces dans la défense de leurs titres de propriété industrielle, le Gouvernement entend dissuader les contrefacteurs et assurer la confiance des entreprises dans la défense et l'exploitation commerciale de leurs innovations. En luttant contre la contrefaçon, le Gouvernement veut favoriser l'effort de recherche et l'innovation, qui sont les clés de la croissance dont nous attendons beaucoup. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)