Monsieur le président, monsieur le ministre, la question de la neutralité de l'Internet est un sujet important.
Comme cela a été très bien rappelé lors des débats, c'est une question très politique, mais aussi très technique. Il faut donc faire attention quand nous intervenons sur ces sujets.
La proposition de loi qui nous est soumise a des qualités, mais pose aussi un certain nombre de problèmes. Elle est à la fois trop précise sur certains points et trop imprécise sur d'autres.
Ce texte parle beaucoup des fournisseurs d'accès, en oubliant que l'accès à Internet, et notamment la qualité de service, relève d'une chaîne de prestataires techniques. Imposer des obligations au dernier maillon de la chaîne n'est pas forcément la solution la plus pertinente.
Une étude d'impact aurait été nécessaire pour mesurer toutes les implications des dispositions de ce texte, car l'effet de domino est très important dans le secteur de l'internet et des télécommunications.
Une consultation des acteurs concernés aurait été très utile. C'est d'ailleurs pour cela que le Président de la République a souhaité rapidement mettre en place un Conseil national du numérique, afin de créer un lieu d'échanges entre le monde de l'Internet et les décideurs politiques, sur les textes concernant internet et le numérique.
Trop de précisions dans un texte de loi, sur un sujet qui évolue très vite, ne sont pas forcément souhaitables. Sur Internet, l'innovation arrive souvent de là où on ne l'attend pas. Il faut laisser toutes les portes ouvertes.
C'est d'ailleurs l'une des raisons fondamentales qui militent pour la préservation de la neutralité de l'internet.
Il serait paradoxal qu'au nom de cette neutralité, on réglemente à l'excès, bloquant par là même des potentialités de croissance et de développement qui pourraient surgir dans les prochains mois ou les prochaines années. Dans ce domaine, le législateur national n'a finalement qu'une marge assez réduite.
Les directives du paquet Télécom sont assez précises et fixent un cadre laissant finalement assez peu de place au droit national. Dans le même temps, il faut laisser une marge de manoeuvre au législateur, qui est en contact avec le terrain et doit pouvoir agir, ou non, en fonction de l'équilibre de l'écosystème du numérique. Il n'est pas simplement en charge de la neutralité de l'internet, mais de bien d'autres sujets et doit, pour chaque décision, évaluer l'impact global. Une loi trop précise et trop contraignante peut être néfaste.
Cela ne doit pas empêcher le législateur de prendre pleinement part au débat. Il existe d'autres outils que la proposition de loi, que nous n'utilisons peut-être pas assez. Dans ce cas précis, une résolution aurait sans doute été plus adaptée. Bien que sans portée normative, elle donne toutefois des indications politiques, qui peuvent être utiles au régulateur, pour lui permettre de s'orienter dans la mise en oeuvre de ses pouvoirs, ainsi qu'aux acteurs économiques. Cela leur permet de connaître les intentions et les positions du législateur qui pourraient, le cas échéant, se transformer en normes contraignantes.
Cessons de croire que la loi est toujours l'instrument le plus efficace.