Le 17 février dernier, le Gouvernement n'a pas souhaité que soit réellement débattue dans cet hémicycle la question de la neutralité de l'internet. Cela aurait pourtant été la première fois que ce principe, en apparence technique mais en réalité extrêmement politique au sens le plus vrai du terme, aurait été débattu dans le cadre de notre assemblée. Je voudrais donc vous dire notre profond regret que vous n'ayez pas souhaité mener ce débat au fond.
Internet fait désormais partie de ces biens fondamentaux qui sont devenus essentiels à l'économie, à la démocratie, et à la vie quotidienne de chacune et chacun d'entre nous.
Internet est possible grâce à une infrastructure commune, physique et immatérielle. Mais comme tous les biens communs, internet n'est pas à l'abri des convoitises et des tentations, mais aussi de choix d'architecture qui vont l'organiser pour très longtemps, et qui peuvent l'organiser sans qu'il y ait de véritable décision collective, si nous n'y prenons garde.
Ce qui se joue autour de cette proposition de loi, ce n'est ni plus ni moins que le futur de l'internet.
Aujourd'hui, trois menaces pèsent sur la liberté de l'internet. Je les rappelle rapidement, en renvoyant à nos interventions du 17 février dernier.
La première de ces menaces est la discrimination pour des raisons commerciales. Ces tentations sont déjà à l'oeuvre, et le risque est grand que l'internet du futur soit avant tout une vaste galerie marchande.
La deuxième menace est la gestion arbitraire, pour des raisons plus techniques, des flux sur internet.
La troisième menace, c'est le filtrage, pour de multiples motifs, nous l'avons vu lors de la discussion de la loi HADOPI ou de la LOPPSI 2. Dans tous les cas, ce sont des risques pour les libertés qui sont évidemment très présents dans nos esprits.
Pour ne pas agir, ou plutôt pour mettre en avant une autre conception de l'internet qui n'est pas la nôtre, votre Gouvernement avance deux problèmes bien réels : la congestion des réseaux du fait de l'explosion des trafics, et le financement des infrastructures.
Ce sont de vrais problèmes, mais ce sont de fausses solutions que vous êtes tentés de leur apporter. Nous proposons d'inscrire le principe de neutralité dans la loi.
Monsieur le ministre, en disant qu'il est trop tôt, vous dites en réalité que vous avez une autre vision de l'internet du futur. Il n'est d'ailleurs pas sérieux de vous abriter derrière l'excellent travail, très approfondi, de la mission parlementaire, dont nous pouvons partager une partie des conclusions, pour refuser un débat de fond, et pour interdire au Parlement de légiférer.
Vous n'avez d'ailleurs pris aucun engagement précis de revenir dans l'hémicycle pour débattre de cette question. Vous êtes prêts, si j'ai bien compris, à revenir devant la commission des affaires économiques : c'est bien le moins ! Mais vous n'avez pris aucun engagement en termes politiques sur des orientations de fond. Votre engagement en faveur de la neutralité de l'internet est aujourd'hui très suspect, en tous les cas source de quelques inquiétudes.
Nous sommes face à une question de principe. La neutralité de l'internet est la clé de voûte de ce que l'on pourrait appeler la constitution politique de l'internet et de ce code législatif qu'il faut écrire pour ne pas subir le code technologique. Demain, il sera probablement trop tard, c'est donc une loi de prévention que nous vous proposons.
À propos de la neutralité du net, nous l'avons bien vu au cours des derniers mois, il y a ceux qui en parlent, et ceux qui agissent.
La France a une longue histoire de défense des libertés. Il serait bon qu'à propos de la liberté sur internet, nous ne soyons pas, comme dans beaucoup de domaines ces jours-ci, à la remorque de l'histoire.
Voilà pourquoi le groupe SRC votera cette proposition de loi que j'ai eu l'honneur, avec les députés de notre groupe, de défendre devant l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)