Le premier devoir d'un organisme, c'est de tester la robustesse de ses procédures. Deux techniques sont possibles, celle du « client mystère » et celle du contrôle externe massif. La méthode pratiquée dans le secteur privé sous le nom de « client mystère » consiste à injecter régulièrement dans les procédures d'instruction, en respectant bien entendu des règles déontologiques, des dossiers complètement fictifs et frauduleux, pour voir ce qu'il en advient. Un collègue et moi-même avions proposé, sans succès, à la mission de la préconiser. Après la présentation orale du rapport, le ministre du budget de l'époque avait repris un temps cette idée, mais les organismes contrôlés n'en ont pas voulu.
Quelles sont les possibilités pour un opérateur public de revenir sur une liquidation ? Les pistes sont peu nombreuses. L'administration fiscale recourt à l'abus de droit qui est l'utilisation d'un dispositif dans un but contraire à son esprit. Mais la procédure est très lourde. Intéressante pour des montages financiers, elle ne paraît guère utilisable dans des dossiers qui ne portent que sur 3 000 euros.
Une autre voie possible est celle de la liquidation provisoire ; le droit est servi, mais, compte tenu de la qualité jugée insuffisante des pièces, pour une durée limitée à la fin de laquelle, s'il n'y a pas été remédié, le service n'est pas prolongé. Cette procédure ne concernerait évidemment qu'une petite partie des dossiers, c'est-à-dire ceux qui présentent des risques.
Comment les déterminer ? Un graphique publié dans le rapport devrait être sur le bureau de chaque directeur de caisse : le croisement de la productivité et de la complexité de la fraude permet d'identifier dans chaque organisme quatre ou cinq dispositifs à risque, et donc les dossiers les plus sensibles.
Même si un membre du Conseil d'État nous a confié ses réticences pour des raisons juridiques, instaurer une période de liquidation provisoire a l'avantage de ne pas refuser les droits.
Qui prendra la décision de cette liquidation provisoire ? Quel sera le champ de contentieux ouvert ? Dans le cadre de la mission de sécurisation des procédures juridiques dont j'ai été chargé, j'ai examiné pendant deux mois avec les avocats de la place de Paris les conditions dans lesquelles les procédures sociales pouvaient être attaquées. Les « entrepreneurs du droit » étant ce qu'ils sont, des champs contentieux très complexes risquent d'être ouverts, portant notamment sur les relations entre la liquidation provisoire et le patrimoine de la personne. Il reste que le fraudeur ne doit pas éprouver le sentiment d'impunité que nous avons rencontré. L'avertissement, figurant sur les formulaires, relatif aux risques auxquels expose toute déclaration frauduleuse n'est pris au sérieux par personne aujourd'hui.
Il nous faudrait pouvoir amener les intéressés à accepter que leur situation puisse faire l'objet d'un examen, en vue d'une liquidation définitive, en allant au-delà de la production de pièces dont on a vu que certaines peuvent être fausses. À Marseille, on a découvert une entreprise spécialisée dans la constitution de faux dossiers en kit.