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Intervention de François Schechter

Réunion du 10 février 2011 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

François Schechter, inspecteur général des affaires sociales :

Je vous répondrai en faisant appel à une expérience antérieure, dans un organisme privé, Experian, qui effectuait pour les douanes britanniques et pour les services fiscaux américains des tâches de contrôle de fraude, selon des procédures strictes.

Pour moi, en créant son corps de contrôle – qui n'est pas un corps d'inspection –, la direction de la sécurité sociale a bien identifié la nécessité de définir des modalités adaptées aux spécificités des organismes sociaux. En revanche, que ce corps de contrôle soit placé auprès du directeur pourrait avoir des répercussions sur la relation entre la direction de la sécurité sociale et ces organismes. Une voie médiane consisterait à ce que les corps de contrôle interne rendent compte, sous une forme à définir, au pouvoir législatif.

En revanche, créer un nouvel acteur supposerait de clarifier les compétences de la mission d'audit interne, des inspecteurs de la direction de la sécurité sociale, de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection générale des finances. Lorsqu'on examine leurs modes de travail, une coordination n'a rien d'évident. L'Inspection générale des affaires sociales élabore un programme de travail qu'elle soumet au ministre et les organismes sociaux entrent sans aucun doute dans le champ de son contrôle. Mais le directeur de la sécurité sociale, s'il ne l'a déjà fait, vous expliquera sans doute beaucoup mieux que moi, de façon très documentée, pourquoi ce nouvel acteur n'est pas utile !

Se pose aussi une question de coût, surtout si vous considérez qu'au-delà des procédures, le contrôle devrait également porter sur l'ensemble de la gestion de ces organismes, et notamment sur leurs politiques de regroupement de sites ou de mutualisation des moyens.

La réponse à la question que vous posez touche aussi à l'organisation de l'État ; c'est pourquoi elle doit être débattue au plus haut niveau.

Pour les Anglo-Saxons, c'est au moment du calcul de la prestation qu'il faut agir. La transposition de cette méthode en France est délicate : aux États-Unis et en Grande-Bretagne, les données personnelles font l'objet d'un traitement trop différent du nôtre. Le contrôle s'y appuie sur des systèmes d'aide à la décision reposant eux-mêmes sur l'utilisation de bases de données et de recoupements. Le débat qui a duré quinze ans en France sur le numéro d'inscription au répertoire (NIR) a été réglé aux États-Unis en 1947 ou 1948 ; les deux premiers ordinateurs d'IBM capables de traiter ce type de données achetés par l'administration civile américaine ont été destinés à l'Internal Revenue Service. La Grande-Bretagne dispose également d'un système de bases de données pour lutter contre la fraude. Je ne saurais vous assurer que les résultats sont meilleurs qu'en France, mais il est certain que chaque directeur régional dispose ainsi d'informations sur la situation d'un administré ou d'un assuré social au regard des dispositifs fiscaux sans commune mesure avec celles dont dispose un directeur d'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales sur la situation de chaque bénéficiaire ou cotisant au regard des prestations versées, à verser ou en attente.

Les différences entre modalités de contrôle américaines ou britanniques et françaises ne s'arrêtent pas là. Aux États-Unis, mentir à un corps de contrôle est un crime. Devant une mission de contrôle, tout agent public détenteur d'autorité est ainsi mis dans une situation psychologique très différente de celle d'un agent français. Il sait que, dans le déroulement même de la procédure, omettre des éléments, ne pas effectuer toutes les diligences, le met juridiquement en situation de risque à titre personnel. Sa responsabilisation est ainsi très large. De plus, la judiciarisation américaine l'expose à être attaqué par un usager, éventuellement aidé d'un avocat bien informé.

Je suis toutefois persuadé qu'en France, le régime de la faute de service sera un jour ou l'autre supplanté par un régime de responsabilité personnelle.

Cela dit, pour précis que soient ces dispositifs d'aide à la décision – qui seraient en France en contradiction avec la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés –, ils ne sont pas pour autant parfaits : des bandes comportant des données nominatives ont été retrouvées dans une poubelle…

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