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Intervention de Claude Trink

Réunion du 16 février 2011 à 16h15
Commission des affaires économiques

Claude Trink, ingénieur général des mines :

Avec seulement 0,7 % de la production d'énergies renouvelables et 0,1 % de la consommation finale brute d'électricité, le photovoltaïque occupe une place minime dans notre panorama énergétique. C'est néanmoins une énergie très populaire. À la fin de 2010, selon ERDF, on dénombrait 143 112 installations, dont 130 000 de moins de trois kilowatts, contre 845 pour l'éolien – cependant, le rapport s'inverse si l'on considère la puissance installée : 973 mégawatts pour le photovoltaïque, et 5 300 pour l'éolien. Le nombre des demandes de raccordement s'élève à 70 000, contre 357 pour l'éolien. Tout se passe, dirait-on, comme si on attendait que le photovoltaïque tienne la promesse de Prométhée : donner l'énergie aux hommes !

Quels sont donc les enjeux qui expliquent que la collectivité accepte de financer une énergie cinq à dix fois plus chère que les énergies traditionnelles ? J'en ai recensé six. Il y a d'abord l'enjeu proprement énergétique : le mix proposé dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Il y a ensuite l'enjeu industriel, le photovoltaïque étant appelé à jouer un rôle central parmi les éco-industries dites cleantech, l'enjeu environnemental, les énergies renouvelables contribuant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, et l'enjeu technologique, ce domaine faisant l'objet d'intenses recherches, en particulier en vue d'abaisser les coûts. Il s'agit enfin de réduire le déficit commercial de la filière, de 800 millions en 2009 et de 1 500 millions l'an dernier, et de préserver des emplois – 25 000 actuellement, dont 16 000 dans les entreprises d'installation et l'ingénierie.

Le succès de cette filière n'en est pas moins inquiétant puisque 973 mégawatts étaient raccordés à la fin de 2010 et que les demandes portaient sur 6 400 MW alors que l'objectif du Grenelle et de la programmation pluriannuelle des investissements (PPI) est de 5 400 mégawatts pour 2020.

Enfin, le coût est important puisque la CSPE « s'emballe » en attendant que la parité réseau soit atteinte : 66 millions en 2009, 560 millions en 2010 et, selon la CRE, un milliard en 2011, avec 1,2 gigawatt supplémentaire raccordé. Le photovoltaïque représentera alors 30 % du montant de la CSPE, soit 2,7 euros par mégawattheure. J'ajoute qu'en 2011 on demandera aux consommateurs d'électricité 7,5 euros par mégawattheure, contre 35 en Allemagne où les capacités installées sont dix-sept fois les nôtres, et que chaque nouvelle installation implique des engagements sur vingt ans.

J'insisterai sur trois recommandations de notre rapport.

Il s'agit, tout d'abord, de remettre la filière sur une trajectoire soutenable, pour éviter les à-coups et préparer le passage à la parité réseau. La question s'est posée dans notre commission de savoir si l'on proposait un pilotage par les volumes, en fixant des cibles en mégawatts pour les installations nouvelles, ou par les coûts, afin de rendre décroissant le montant de l'accroissement annuel de la CSPE. Si les cibles de développement annuelles – qui ne sont pas, j'y insiste, des quotas – et leur répartition précise entre catégories de projets – toitures et sols – ont été laissées à l'appréciation du Gouvernement, les participants ont demandé de mieux les articuler avec les charges de CSPE, dont le mode de calcul par la CRE devra évoluer afin de tenir compte des avantages propres du photovoltaïque, dont la proximité des lieux de consommation. La nécessité de régionaliser les tarifs et celle de raccourcir et de simplifier les procédures de raccordement ont été soulignées, et l'on a insisté en faveur de dispositions spécifiques pour les projets portés par les collectivités territoriales ou pour ceux qui concerneraient les zones non interconnectées (ZNI). J'attire en particulier l'attention sur les projets dont les collectivités territoriales sont maîtres d'ouvrage car ils sont soumis à des procédures assez lourdes en raison notamment du nécessaire respect du code des marchés publics.

Deuxième recommandation : il importe de bien choisir des instruments adaptés à trois types d'installations : les toits des particuliers, les toits des bâtiments commerciaux et industriels, et les centrales au sol.

En ce qui concerne les premiers, il est proposé un tarif d'achat, qui pourrait être complété par un appel d'offres pour les plus grandes installations. Un ajustement trimestriel du tarif est privilégié, avec la demande de raccordement comme étape de référence pour la fixation du tarif d'achat et pour le calcul de la dégressivité. En effet, les tarifs fixes ne se justifient plus, en raison de la baisse continue du coût des équipements, source d'effets d'aubaine. Afin de s'assurer du sérieux des projets, la demande de raccordement devra s'accompagner d'engagements financiers ainsi que d'engagements sur les délais de réalisation de l'installation. Différents niveaux de tarifs de rachat pourront être définis en fonction du type et de la puissance de l'installation. Des participants ayant demandé pourquoi nous ne nous fonderions pas sur la rentabilité des projets, nous leur avons répondu que, compte tenu de l'asymétrie de l'information entre les opérateurs et l'administration ainsi que de la baisse continue des tarifs, il est plus judicieux de s'appuyer sur l'observation de l'évolution sur le terrain que sur un calcul théorique.

L'intégré au bâti devra quant à lui être réservé aux petites installations, avec une éventuelle distinction entre installations résidentielles et non résidentielles. Il apparaît en effet particulièrement pertinent lorsqu'il concerne un pan entier de toiture pour un bâtiment neuf car il évite la déconstruction ou la construction partielle de la toiture. De ce fait, nous avons constaté une demande générale de supprimer le seuil existant de 3 kilowatts et de revoir par cohérence les incitations fiscales soumises au même plafond, cela afin d'inverser la tendance actuelle privilégiant l'installation sur les bâtiments anciens. J'ajoute que l'intégré au bâti ne fait pas l'unanimité, des participants considérant qu'une surimposition de panneaux sur une toiture existante permet d'abaisser les coûts.

En ce qui concerne les toits commerciaux et industriels, l'intégré au bâti simplifié pourrait concerner toutes les puissances jusqu'à un seuil de 250 kilowatts ou 1 mégawatt et serait donc le type d'installation privilégiée dans le cas de rénovations ou de grandes toitures, celles-ci pouvant donner lieu à appels d'offres.

S'agissant des centrales au sol, malgré les réticences de certains participants, le rapport propose un système d'appels d'offres, celui-ci étant le mieux à même de réguler finement les volumes, de limiter la puissance des installations, d'obtenir le meilleur prix et d'encourager le développement de la filière, grâce à l'introduction dans le cahier des charges de critères environnementaux et industriels. Les critères environnementaux devront permettre de minimiser l'impact des projets sur les territoires en favorisant notamment l'implantation des installations sur des terres dégradées et non agricoles. Outre que le rapport privilégie un appel d'offres pluriannuel afin de donner le maximum de perspectives aux acteurs de la filière, il engage à sélectionner les projets à un stade avancé et à instaurer un dépôt de caution pour s'assurer du sérieux des projets candidats.

Je me bornerai à résumer quelques recommandations supplémentaires : il convient de soutenir la recherche – un appel à manifestation d'intérêt a été lancé concernant les instituts d'énergies décarbonées tels que l'Institut national de l'énergie solaire (INES) et l'Institut de recherche et développement sur l'énergie photovoltaïque (IRDEP) – d'encourager la qualité et la reconquête du marché intérieur à travers un label « France » des panneaux, d'accompagner les actions de développement des exportations, pour prendre pied sur les marchés des pays qui atteindront avant nous à la parité réseau, et, enfin, d'organiser la sortie de la suspension d'achat.

À ce dernier propos, il faut rappeler que 3 000 mégawatts de projets sont d'ores et déjà susceptibles d'être réalisés dès l'expiration du moratoire, dont la moitié le seront probablement selon nos estimations : c'est trois fois la cible annuelle mentionnée dans le précédent rapport, soit une charge additionnelle de 700 millions d'euros de CSPE, si bien que celle-ci atteindra 1,2 milliard avant même l'introduction de nouveaux projets. Les tarifs et les cibles de développement du nouveau cadre de régulation devront être assez stricts pour limiter l'accroissement de cette charge, mais suffisamment attractifs pour permettre à la filière de se structurer.

Le rapport, de surcroît, aborde la question d'un éventuel régime de transition en répertoriant les différentes catégories de projets qui pourraient être concernées – travaux commencés, portés par les collectivités territoriales, situés dans les ZNI ou ayant été retardés du fait d'ERDF – mais appelle à en limiter fortement la portée.

Le rapport appelle enfin à la vigilance sur quatre points. D'abord, sur le lien entre photovoltaïque, efficacité énergétique, bâtiments basse consommation et bâtiments à énergie positive, étant entendu par ailleurs qu'il faut encourager l'installation sur les bâtiments neufs.

Il faut, en second lieu, être attentif au développement de l'autoconsommation et du stockage – des expérimentations doivent avoir lieu dans et pour les ZNI. Je note qu'en Allemagne, l'autoconsommation prend de l'ampleur et que les usagers bénéficient de tarifs adaptés.

J'ai déjà évoqué la nécessaire harmonisation fiscale des seuils de puissance – crédit d'impôt et TVA.

Enfin, nous avons tout intérêt à favoriser la transparence si l'on veut un système qui fonctionne de manière harmonieuse. Le rapport insiste, à la suite des participants, sur l'intérêt d'une communication positive, lors de la reprise du système, pour rassurer les investisseurs et les clients potentiels. Le Gouvernement devra réaffirmer son soutien à la filière photovoltaïque et donner aux acteurs un maximum de visibilité sur le nouveau cadre de régulation. Un lien plus étroit entre administrations et acteurs de la filière est également souhaitable afin de suivre l'évolution des files d'attente et des grands indicateurs du marché photovoltaïque mondial, de manière à prévenir un nouvel engorgement du système. Nous demandons ainsi la création d'un comité des énergies renouvelables au sein du Conseil supérieur de l'électricité, ainsi qu'une amélioration des systèmes d'information des gestionnaires de réseaux, en sorte que tous les acteurs puissent avoir connaissance des nouvelles capacités installées ainsi que des délais de raccordement. Enfin, comme je l'ai dit, le mode de calcul des charges de la CSPE devra évoluer afin de tenir compte des avantages du photovoltaïque.

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