Nous admirons la vitalité dont vous faites preuve, Monsieur le président Lasserre, de même que votre foi en la justice née de la concurrence non faussée et de la liberté de commercer.
Je suis toutefois un peu interloqué que vous vous félicitiez de l'augmentation des fusions – laquelle signalerait une amélioration de l'état de notre économie – tout en déplorant la présence des cartels : les seconds prospèrent d'évidence avec les premières ! Les ententes, en effet, ne sont-elles pas facilitées par les concentrations ? Non seulement les groupes ne s'en privent pas, ainsi que vous l'avez vous-même dénoncé, mais il est à craindre que ne se constituent de véritables oligarchies commerciales contre lesquelles il sera difficile de lutter.
De plus, si vous vous êtes intéressé aux concentrations verticales et horizontales, qu'en est-il des transversales ? Quelle est donc la place, par exemple, des ventes en ligne par rapport aux ventes directes ? Il n'aura échappé à personne qu'il existe dans ce domaine des champions du monde du monopole, contre lesquels vous ne pouvez d'ailleurs pas grand-chose puisqu'ils échappent à votre périmètre de compétence. Il en va de même s'agissant du foncier ou des relations avec tel ou tel média qui, par exemple sur le plan régional, accordent beaucoup de places à certains et peu à d'autres. Nous voyons bien comment tout cela peut générer des cartels qui ne disent pas leur nom. Quels moyens d'investigation vous paraissent indispensables afin de mettre un terme à des pratiques qui « coincent » totalement le client ? Qui réalise des marges importantes ? Certainement pas ceux auxquels on pense dès lors que le problème est d'accéder à un juste prix sans léser le producteur ou le vendeur. Entre les deux, quid des intermédiaires qui s'en mettent plein les poches ? Jusqu'où êtes-vous prêts à aller pour les confondre ?
Par ailleurs, je vous remercie d'avoir évoqué le cas des collectivités territoriales car, si elles sont obligées de respecter le code des marchés publics – les élus, en effet, sont toujours peu ou prou suspects –, ce dernier nous fait souvent perdre une année avant que l'on ne finisse par revenir au point de départ. Pendant ce temps-là, qu'est-il possible de faire contre des gens qui se sont concertés ou qui se sont répartis des territoires alors que la durée d'un mandat politique, quoi qu'en pensent nos concitoyens, est relativement courte pour concevoir un projet, réaliser un cahier des charges et, enfin, procéder aux consultations nécessaires tout en se rendant finalement compte que nous aurions mieux fait de régler le problème sur un coin de table sans recourir forcément à un appel d'offre ? La situation est assez désespérante !
Je ne suis donc pas certain que vous disposiez d'une veille suffisante pour tenter d'identifier, lot par lot, quels que soient les marchés de construction ou de services, les manquements organisés à la concurrence.