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Intervention de Catherine Coutelle

Réunion du 16 février 2011 à 22h00
Hommage de l'assemblée — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, chers collègues, au terme de l'examen des deux projets de lois créant le Défenseur des droits, une nouvelle autorité administrative doit regrouper, après bien des hésitations sur son périmètre qui a beaucoup fluctué, quatre autorités, aujourd'hui encore indépendantes : le Médiateur de la république, le Défenseur des enfants, la HALDE et la CNDS.

Les sénateurs, contre l'avis du Gouvernement, ont refusé d'y inclure le Contrôleur des prisons. Un sénateur UMP a plaidé ainsi sa cause : « Il constitue un élément important dans le combat mené par le Parlement pour que les prisons cessent, à tout jamais, d'être une humiliation ou une honte pour la République ».

Mais ne pourrait-on pas plaider de la sorte en faveur de la Défenseure des enfants, reconnue des enfants qui la saisissent directement, contrairement à ce que vous dites, monsieur le rapporteur ? Grâce à la visibilité qu'elle a acquise, elle permet de lutter pour et avec les enfants. Son travail s'appuyait sur la convention des Nations Unies relatives aux droits de l'enfant. Cette référence a disparu dans vos textes.

Ne pourrait-on pas en dire autant de la HALDE ? Son éphémère présidente, aujourd'hui secrétaire d'État, jurait de se battre « comme une tigresse » pour lui garder son autonomie. Alors que les discriminations et inégalités n'ont jamais été aussi nombreuses, « supprimer la HALDE serait un très mauvais signe politique » ajoutait-elle.

On pourrait s'interroger aussi sur la fusion – en fait la disparition – de la CNDS. Les abus et excès commis par des fonctionnaires dépositaires de l'ordre public ne disparaîtront pour autant.

Et pourtant le Défenseur des droits inscrit dans la Constitution en 2008 aurait pu être une très belle idée. Vous avez rappelé, monsieur le ministre, que « le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que tout organisme investi d'une mission de service public ». Sa mission est donc assez large. Mais cette belle idée, vous l'avez gâchée parce que vous n'avez pas su, voulu ou souhaité consulter, concerter pour, à partir de là, améliorer le texte. Il est vrai que ce n'est pas tout à fait votre marque de fabrique.

Certes, vous avez auditionné les autorités administratives ; mais vous avez écarté leurs observations. Vous n'avez pas entendu les associations qui, depuis 2009, ont avancé des propositions constructives, de nombreux argumentaires, des comparatifs internationaux sur les droits des personnes, la dénonciation des discriminations, l'état des prisons, les abus de rétention, de garde à vue ou encore la défense des enfants.

Les analyses et les propositions issues de l'Unicef, de la commission nationale consultative des droits de l'homme, de l'observatoire international des prisons, de nombreuses autres organisations que je ne peux toutes citer, voire d'organismes internationaux, n'ont, semble-t-il pas, retenu votre attention pour amender le texte.

Au Parlement enfin, depuis juin 2010, lors des différents débats, des voix se sont élevées pour souligner les aspects inquiétants de votre projet.

La première inquiétude porte sur la concentration des pouvoirs entre les mains d'un seul défenseur. Beaucoup d'orateurs l'ont dit avant moi, je n'y insiste pas. Je cite simplement le rapporteur du Sénat, pour qui « il ne faut pas que le Défenseur des droits se transforme en dictateur des droits ayant tous les pouvoirs. »

Pour éviter cela, le Sénat avait rétabli la consultation systématique des collèges, renforcé le rôle des adjoints et obligé le défenseur à motiver ses avis. Ces modifications rendaient votre texte moins dangereux. Vous avez rétabli le pouvoir absolu et solitaire de l'homme ou de la femme qui aura à traiter 90 000 dossiers par an et n'aura plus à justifier de ses refus ni à s'appuyer sur des décisions collégiales.

Nos concitoyens, qui considèrent qu'ils sont victimes d'abus ou d'injustices de la part d'établissements et de services publics, auront-ils la même confiance à l'égard du Défenseur ? Et trouveront-ils désormais des correspondants proches ? Leur existence est une possibilité, mais plus une obligation.

Après la concentration du pouvoir, une autre inquiétude porte sur la nomination du Défenseur des droits. Vous avez refusé d'asseoir son autorité et son indispensable indépendance en le faisant nommer par le Parlement.

Une troisième inquiétude porte sur la visibilité des contre-pouvoirs. Alors que les comités internationaux saluent les efforts faits en France pour entendre la voix des enfants, nous serons le premier pays à supprimer l'indépendance de leur défenseur. La HALDE aussi a été considérée comme une étape fondamentale pour notre pacte républicain. Les dispositions des deux textes affaiblissent ces autorités.

Au manque de collégialité, au manque d'indépendance, s'ajoutent donc des craintes sur la visibilité des différentes missions qui attendent le Défenseur des droits.

À l'heure où des peuples se battent de l'autre côté de la Méditerranée pour conquérir la démocratie, la France ne peut continuer à donner des signes de légèreté à l'égard des droits de l'homme et à l'égard de ce droit fondamental des citoyens à trouver des instances qui, par la médiation, l'enquête, l'interrogation, évitent et corrigent les abus.

S'agit-il ici, comme le disait Robert Badinter, « d'une reprise en main d'autorités indépendantes devenues trop indépendantes » ?

Les citoyens étaient en droit d'attendre que ce défenseur soit une autorité indépendante, impartiale, transparente. Le résultat est une nouvelle institution à la cote mal taillée qui entretient un sentiment de malaise et d'incompréhension.

Cette belle idée débouche sur une régression démocratique. Écoutons Montesquieu qui disait : « Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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