Ce n'est pas le cas chez nous.
Lorsque le Sénat débattu de cette formule – ici, à l'Assemblée, nous en avons parlé en présentant des amendements que j'avais cosignés avec Christian Vanneste mais ceux-ci ont été repoussés d'un revers de main –, les meilleurs esprits ont proféré des bêtises incommensurables. Quand on lui propose cette alternative, M. Gélard, le rapporteur du texte au Sénat, répond : « Oui, cela permet de nommer les plus bêtes. » (Sourires.) Cela n'est pas très respectueux pour la compétence des autorités qui, à l'étranger, sont nommés par le Parlement. Ce type de réaction montre que nous avons bien des progrès à faire en matière de démocratie.
Le choix qui a été opéré témoigne d'un recul manifeste de l'indépendance des AAI. Pour apprécier l'indépendance d'une autorité – c'est le résultat des travaux que j'ai conduits avec Christian Vanneste – il y a trois critères principaux : la durée du mandat, les conditions de nomination et l'autonomie budgétaire. Le Défenseur des droits remplit l'un de ces conditions – il a un mandat non renouvelable –, mais aucune des deux autres. La nomination par l'exécutif, donc par la majorité, est naturellement moins légitime qu'une nomination par le Parlement, c'est-à-dire par le peuple dans sa diversité. En outre, le texte qui nous est soumis et les déclarations ministérielles ne nous donnent aucune précision sur l'autonomie et les moyens budgétaires dont disposera cette autorité alors qu'une nomination par le Parlement garantirait le financement.
L'indépendance de cette institution est donc pour le moins relative, mais les autorités administratives qui sont fusionnées dans ce monstre perdent, quant à elles, leur indépendance. En effet, aujourd'hui leurs responsables sont nommés dans les mêmes conditions que va l'être le Défenseur des droits, mais ils perdront demain complètement leur indépendance dans cette institution ; ils deviendront des collaborateurs dépendants de leur supérieur hiérarchique. Les citations que j'ai faites tout à l'heure sur leur rôle montrent bien quelle sera leur perte d'indépendance. De ce point de vue, il y a bien, monsieur Clément, une régression.