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Intervention de Patricia Adam

Réunion du 16 février 2011 à 22h00
Hommage de l'assemblée — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatricia Adam :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, nous sommes témoins, depuis le début de l'examen de ce projet de loi, d'une certaine confusion au sein de la majorité. Le consensus qui régnait jusqu'alors entre le Gouvernement et les parlementaires des groupes majoritaires des deux assemblées sur les questions relatives à la protection de l'enfance a volé en éclats. Le Gouvernement s'est sans cesse levé contre les avancées proposées par une partie de sa majorité. Nous avons encore pu le constater lors de la dernière réunion de la commission des lois.

Vous me permettrez d'intervenir plus spécifiquement sur la suppression du Défenseur des enfants, ce qui me permettra de faire la démonstration de cette rupture.

Ayant l'honneur de présider le Groupement d'intérêt public « Enfance en danger » – GIPED – depuis quelque temps, je pense pouvoir parler au nom des différents acteurs de ce secteur.

Depuis sa création, en 2000, la notoriété du Défenseur des enfants auprès des associations et des professionnels, et surtout des enfants – j'insiste sur ce dernier point – n'a cessé de croître. La France a été encouragée par le comité des droits de l'enfant de l'ONU à conforter cette instance et s'est vue placée dans la catégorie des bons élèves de l'ONU. J'ai bien peur que ce ne soit plus le cas dans quelque temps.

Les amendements que nous avons déposés nous permettront, je l'espère, de défendre les deux principes qui, à mon sens, justifiaient l'excellence de cette institution.

Premier principe : la défense des droits de l'enfant exige des compétences spécifiques de la part de ceux qui en exercent la responsabilité. Nous exigerons que le futur défenseur des enfants ne se voie pas privé des compétences qu'il exerçait jusqu'à maintenant.

Deuxième principe : la défense des droits de l'enfant exige indépendance et autonomie de décision, principes cardinaux reconnus par les instances internationales.

Nous ne pouvons donc accepter de voter pour un défenseur des enfants doté d'un pouvoir de saisine a minima : ce dernier doit pouvoir être saisi par toute association, sans distinction. Il doit aussi pouvoir s'autosaisir dans toutes les situations mettant en cause l'interprétation de l'intérêt supérieur de l'enfant ou les droits de celui-ci.

Nous ne pouvons non plus accepter de voter pour un défenseur des enfants privé du droit de publier ses avis, lorsqu'il convoque les collèges, ni pour un défenseur des enfants doté d'un pouvoir uniquement consultatif au sein de la future institution. Sans cette condition, le défenseur des enfants se verrait privé de toute légitimité au sein de l'institution Défenseur des droits. Mais cette condition serait insuffisante si le défenseur ne pouvait émettre, librement, des avis et des recommandations visant à améliorer notre arsenal législatif et réglementaire. Or cette dernière possibilité, pourtant fondamentale, n'est pas satisfaite en l'état actuel du texte.

De la même façon, nous ne pouvons pas accepter que le défenseur des enfants devienne un simple collaborateur, privé de toute indépendance et de marge de manoeuvre. Notre pays, qui est l'un des plus jeunes d'Europe sur le plan démographique, doit pouvoir se doter d'un défenseur des enfants digne de ce nom.

Hélas, depuis 2007, lorsque nous parlons de jeunesse, nous y associons généralement les termes de délinquance ou de répression, et non plus celui de protection que les enfants sont en droit d'attendre de la société.

C'est peut-être une réalité qui choque aujourd'hui une partie de la majorité parlementaire, à ce qu'il semble des débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle.

Regardons plutôt la chronologie des avancées réalisées en matière de protection de l'enfance.

En 1924, la Société des Nations proclame : « L'humanité doit donner à l'enfant ce qu'elle a de meilleur. »

En 1959, la Déclaration des droits de l'enfant est adoptée par les Nations unies.

En 1989, la Convention internationale des droits de l'enfant est ratifiée par les États membres de l'ONU.

En 1994, le Parlement des enfants se réunit pour la première fois, le 17 mai.

Le 9 avril 1996, une loi d'initiative parlementaire érige le 20 novembre en journée nationale des droits de l'enfant.

En 1997, une journée est établie grande cause nationale pour l'enfance maltraitée.

En 2000, une autorité administrative est créée : celle du défenseur des enfants.

En 2003, notre assemblée a voté à l'unanimité – il est bon de le souligner – une proposition de loi visant à la création d'une délégation parlementaire aux droits de l'enfant. Mais celle-ci n'a malheureusement jamais été examinée par le Sénat. Cette proposition était formulée par Mme Valérie Pécresse, alors rapporteure de la mission d'information sur la famille et les droits de l'enfant, dont le président était Patrick Bloche. Une autre proposition tendait à rendre obligatoire la consultation du défenseur des enfants sur tout projet de loi concernant les enfants ou leurs droits.

En janvier 2004, la majorité parlementaire vote, avec les voix de l'opposition, la création de l'Observatoire national de l'enfance en danger.

Enfin, en mars 2007, le GIPED est créé.

Le texte qui nous est présenté aujourd'hui marque, comme vous le voyez, une rupture dans l'évolution des droits de l'enfant dans notre société depuis près d'un siècle.

Autrefois érigée comme un socle législatif et consensuel, la protection des enfants est, malheureusement, laissée au second plan aujourd'hui.

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