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Intervention de Pierre Morel-A-L'Huissier

Réunion du 16 février 2011 à 22h00
Hommage de l'assemblée — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi organique et d'un projet de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Cette intégration n'est pas apparue suffisamment consensuelle. Cela ne signifie pas qu'il nous faille définitivement renoncer à ce que cette mission soit un jour assumée par le Défenseur des droits.

En première lecture, notre assemblée avait prévu que cette compétence ne serait transférée au Défenseur qu'à la fin du mandat de l'actuel contrôleur général des lieux de privation de liberté, c'est-à-dire en juin 2014. Rien ne nous empêchera donc, d'ici là, de revenir sur ce sujet et de poser de nouveau la question de l'élargissement des compétences du Défenseur des droits.

Pour ma part, je reste persuadé que si nous voulons faire oeuvre utile, il faut que le Défenseur ait le champ de compétence le plus large possible.

Au-delà de ces points d'accord, force est de constater qu'il reste quelques divergences importantes entre le texte du Sénat et celui que l'Assemblée nationale avait voté en première lecture.

Quatre principaux points demeurent en débat. Le premier – et de loin le plus important – porte sur le rôle des collèges chargés d'assister le Défenseur. Trois collèges sont prévus, chargés respectivement de la déontologie de la sécurité, de la protection des enfants et de la lutte contre les discriminations.

Le Sénat souhaite faire de ces collèges les réels détenteurs du pouvoir, au risque de marginaliser le Défenseur et de le réduire à un simple rôle de coordonnateur. Le Défenseur devrait systématiquement consulter les collèges sur toute question et il ne pourrait que difficilement s'écarter de leurs avis ; il lui faudrait, au préalable, obligatoirement exposer ses motivations.

Je ne partage pas une telle conception, qui reflète une grande méfiance à l'égard du futur Défenseur des droits. Juridiquement, le texte du Sénat est d'ailleurs très fragile. Rappelons que l'article 71-1 de la Constitution prévoit seulement que le Défenseur « peut être assisté par un collège pour l'exercice de certaines de ses attributions ». C'est pourquoi, sur ma proposition, la commission des lois a supprimé l'obligation faite au Défenseur d'indiquer les motifs pour lesquels il décide de s'écarter de l'avis d'un collège.

Au-delà des aspects juridiques, c'est aussi au regard de la pratique que le texte du Sénat paraît peu réaliste. Si l'on veut bien s'intéresser à la manière dont fonctionnent les autorités administratives indépendantes, on constate que l'examen des dossiers fait l'objet, au cas par cas, d'un degré d'approfondissement très variable, proportionné à la complexité de chaque affaire. Par exemple, seuls 16 % des dossiers examinés par la HALDE en 2009 ont nécessité une instruction approfondie. C'est pourquoi votre commission des lois a supprimé la systématicité de la consultation des collèges.

Le texte de la commission ne vise pas à affaiblir les collèges. Au contraire, il prévoit de leur réserver les dossiers les plus complexes et les questions de principe les plus essentielles.

Deuxième point en débat avec le Sénat : le partage des compétences entre le Défenseur et les autres autorités indépendantes chargées de la protection des droits et libertés. Le Sénat avait prévu un mécanisme contraignant de collaboration et de transmission des dossiers. Votre commission des lois est revenue à un texte plus souple, privilégiant une approche au cas par cas.

Troisième point en débat : le Défenseur est-il le protecteur des seules personnes physiques ? C'est la thèse du Sénat. Pour ma part, la rédaction de l'article 71-1 de la Constitution me paraît suffisamment large pour permettre au Défenseur de traiter certains litiges entre personnes morales, notamment entre une collectivité territoriale et certains établissements publics. C'est une position, d'ailleurs, très développée par M. Delevoye.

Quatrième et dernier point en débat : les pouvoirs du Défenseur des droits. Tout en adhérant assez largement aux dispositions votées au Sénat, votre commission des lois a procédé à quelques modifications.

Premièrement, elle a supprimé l'obligation faite au Défenseur d'indiquer les motifs pour lesquels il décide de ne pas donner suite à une saisine. En pratique, le Défenseur fournira les explications nécessaires aux requérants de bonne foi, comme le font les autorités existantes sans que la loi les y oblige, mais il ne paraît vraiment pas raisonnable de lui imposer de le faire systématiquement pour des saisines dépourvues de tout caractère sérieux.

Deuxièmement, la commission a rétabli l'automaticité de l'établissement d'un rapport spécial en cas d'injonction non suivie d'effet.

Troisièmement, elle a rétabli la procédure d'action collective devant la juridiction administrative, nonobstant ce que le ministre vient de dire. Nous ouvrirons le débat.

Pour conclure, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter ces deux textes modifiés par la commission des lois : ils permettront – enfin ! – de mettre en oeuvre la réforme voulue par le constituant de 2008 et qui me semble une très bonne réforme.

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