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Intervention de Hervé Gaymard

Réunion du 15 février 2011 à 15h00
Prix du livre numérique — Article 2, amendement 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Gaymard, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

La commission a repoussé cet amendement. Je profite de cette occasion pour revenir sur ce sujet que différents orateurs ont déjà évoqué.

Chacun s'accorde à reconnaître qu'il est important que l'éditeur ait la maîtrise du prix du fichier numérique. Se pose ensuite la question des voies et moyens pour y parvenir.

Dans l'espace juridique national, le moyen qui sera opérant sera cette loi, si elle est adoptée et promulguée. Nos divergences portent sur la question des plates-formes de téléchargement qui seront situées hors de nos frontières. À cet égard, il faut distinguer celles qui sont hors de nos frontières nationales mais dans l'Union européenne, et celles qui sont hors des frontières de l'Union européenne. En général, l'internaute ne sait pas si la plate-forme de téléchargement qu'il utilise est située aux États-Unis ou au Luxembourg.

Bien sûr, on pourrait être tenté de retenir le principe d'extraterritorialité, afin que la loi française soit applicable hors de nos frontières, c'est-à-dire qu'elle soit valable pour un acheteur qui est physiquement en France mais aussi pour quelqu'un qui serait à l'étranger et qui achèterait en France. Il existe un moyen pour parvenir à cet objectif commun : le contrat de mandat.

Monsieur Calméjane, je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous affirmez qu'avec le contrat de mandat, le prix du fichier numérique sera moins cher à l'étranger qu'en France. Je ne vois pas pourquoi l'éditeur, qui fixe son prix de vente, vendrait son fichier moins cher à l'étranger qu'en France, sinon il se ruinerait lui-même et le présent texte ne servirait à rien. Il y va de l'intérêt bien compris de l'éditeur de vendre le fichier numérique par contrat de mandat au prix qui lui semble juste. C'est du reste ce qui s'est passé aux États-Unis.

Dans ce pays où il n'y aucune régulation, que ce soit pour le livre papier ou pour le livre numérique, un bras de fer a eu lieu, il y a deux ans, entre Amazon et certains éditeurs américains qui ont refusé de passer sous les fourches caudines d'Amazon, c'est-à-dire de vendre leur fichier au prix de 9,99 dollars plutôt qu'à 13,99 ou 14,99 dollars. Dans un premier temps, Amazon a voulu déréférencer, mais il n'a pas pu le faire car il avait besoin de vendre les livres que les acheteurs demandaient. Résultat de cet épisode : six des plus grands éditeurs américains ont décidé de vendre leurs fichiers numériques par contrat de mandat, c'est-à-dire qu'ils ont obtenu que les distributeurs vendent leurs fichiers au prix qu'ils avaient fixé. En moins d'un an, la part de marché d'Amazon est passée de 85 % à 45 ou 50 %. Cela montre bien que le contrat de mandat est un système opérant.

En proposant une disposition qui remettait en cause ce qui avait été adopté par le Sénat, j'ai voulu faire preuve de pragmatisme et mettre en valeur les outils qui permettent à l'éditeur de pouvoir continuer à fixer le prix du livre numérique.

J'en viens à l'aspect juridique européen.

Comme l'ont souligné certains orateurs, il s'agit toujours d'un sujet compliqué. Cela avait déjà été le cas s'agissant de la loi Lang avec la fixation du prix unique du livre qui a finalement été plus ou moins acceptée par l'Union européenne. À la lecture de l'avis émis par la Commission européenne qui est, comme vous le savez, très négatif sur la clause d'extraterritorialité mais plus compréhensif sur l'économie générale de la loi qui vise à donner à l'éditeur la possibilité de fixer le prix du fichier, je pense qu'il est de bon commerce d'adopter une position pragmatique.

Enfin, il paraît indispensable, au-delà de ce texte de loi qui est minimaliste et qui le revendique – c'est une étape, il y en aura d'autres, peut-être dans six mois ou un an – d'engager auprès de Bruxelles, notamment par rapport à la directive « Services », une démarche visant à faire reconnaître l'exception culturelle. C'est la condition pour pouvoir légiférer durablement en la matière.

Au fond, je crois que nous sommes tous d'accord, même si nous divergeons sur les voies et les moyens. Légiférer sur la clause d'extraterritorialité c'est se faire plaisir, mais cela est inopérant, car je ne vois pas comment on pourra imposer à une plate-forme de téléchargement de respecter une loi française. Bien évidemment, je le souhaiterais, mais il faut être pragmatique et réaliste. Seul le contrat de mandat peut permettre de respecter la volonté de l'éditeur. Même si cet outil n'est pas parfait, il a le mérite d'exister et d'avoir prouvé son effectivité dans le contexte américain.

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