Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, si l'on a dit que les livres faisaient les époques et les nations, comme les époques et les nations faisaient les livres, il convient d'attacher la plus grande importance à la révolution que provoque l'instauration de la technologie numérique en ce domaine.
Le Gouvernement souhaite encourager toutes les formes de diffusion légale des oeuvres sur les réseaux numériques. La révolution numérique qui a successivement touché la presse, la musique et le cinéma va également avoir un impact décisif sur les secteurs de l'édition et de la librairie.
L'utilisation grandissante d'internet dans la commercialisation du livre n'est qu'un des changements induits par le développement du numérique. Plus fondamentalement, l'autre évolution prévisible passe par la dissociation entre l'imprimé et l'écrit et l'émergence d'outils électroniques de lecture : je veux parler du livre numérique.
Cette évolution, voire révolution, va aboutir non seulement à des changements de nature industrielle mais également à la remise en cause des flux financiers classiques qui permettent de financer la création éditoriale, littéraire ou scolaire.
Par conséquent, une attention toute particulière doit être portée à la concurrence nouvelle qui pourrait s'exercer entre les détenteurs de droits que sont les auteurs et les éditeurs et les détenteurs d'accès et de réseaux.
Dans ce contexte, deux éléments sont essentiels : la propriété intellectuelle doit demeurer la clé de voûte de l'édition et les éditeurs doivent conserver un rôle central dans la détermination des prix.
À cet égard, je souhaite vous alerter sur le régime de concurrence déloyale entre les libraires nationaux et les plates-formes établies dans d'autres pays membres de l'Union européenne qui pourrait s'instaurer si le texte était adopté en l'état. En effet, selon le schéma envisagé par l'amendement du rapporteur à l'article 3, seuls les libraires nationaux seront tenus d'appliquer le prix unique du livre numérique, avec les obligations légales qui en découlent, alors que les plates-formes étrangères pourront négocier des conditions commerciales plus avantageuses à travers leurs contrats de mandat avec les éditeurs. La fixation du prix échappera à terme aux éditeurs nationaux et les libraires français n'auront d'autre issue que de disparaître face à cette concurrence déloyale. C'est exactement ce qui s'est produit pour le marché du téléchargement de musique en ligne.