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Intervention de Monique Boulestin

Réunion du 15 février 2011 à 15h00
Prix du livre numérique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMonique Boulestin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, le livre électronique n'est plus aujourd'hui un objet de science-fiction ou un gadget réservé à quelques amateurs curieux de nouveauté. Désormais accessible au plus grand nombre, il fait son apparition aux devantures des librairies, figure sur les catalogues des éditeurs, et les bibliothèques lui font toute sa place sur leurs étagères virtuelles.

De fait, le livre numérique reste avant tout un livre, c'est-à-dire une oeuvre de l'esprit. À ce titre, il ne change pas de nature en changeant de support – papier ou fichier numérique. Voilà pourquoi les très nombreux rapports consacrés à la révolution numérique ont montré la nécessité d'un encadrement législatif du prix du livre numérique.

Le rapport Patino a été le premier à insister sur la nécessité de réguler le marché en reprenant l'esprit de la loi Lang, relative au prix unique appliqué en 1981 au livre imprimé.

Puis le rapport « Création et internet » a ensuite estimé qu'il était nécessaire d'instaurer rapidement une régulation du prix du livre numérique, tout en conseillant d'en réduire le champ d'application au titre homothétique tel qu'il est aujourd'hui défini.

Enfin, le rapport Albanel, reprenant les propositions précédentes, a également appelé de ses voeux une loi instaurant un prix unique du livre numérique et une harmonisation des taux de TVA.

La proposition de loi que nous examinons se fonde donc sur la nécessité d'accompagner une mutation technologique grâce à laquelle le plus grand nombre doit désormais pouvoir accéder à une offre légale abondante autour du livre numérique. Elle insiste également sur l'importance du respect de notre patrimoine et du droit d'auteur. Elle se préoccupe enfin de la préservation de la diversité de la création littéraire et de l'aménagement de notre territoire, grâce notamment à ce que l'on appelle la chaîne du livre.

Il nous semble cependant qu'il est nécessaire de l'enrichir, d'une part, pour respecter non seulement les droits d'auteur, mais la rémunération juste et équitable due aux auteurs ; d'autre part, pour maintenir tous les maillons de la longue chaîne du livre, au travers notamment des bibliothèques universitaires, scientifiques et publiques. Tel est le sens des amendements qui ont été présentés en commission.

Monsieur le ministre, tous ont en mémoire la très belle destinée de la nouvelle de Giono L'homme qui plantait des arbres. L'auteur avait renoncé à ses droits sur cette oeuvre afin, disait-il, d'en favoriser la diffusion. Il ajoutait : « J'ai donné mes droits gratuitement pour toutes les reproductions. C'est un des textes dont je suis le plus fier. » Toutefois, Giono ne put empêcher certaines revues et certains éditeurs de faire de son texte un usage très commercial. Cette belle histoire nous montre combien le contrôle qu'exercent les auteurs sur leurs créations reste fragile et combien il importe toujours de les protéger.

Peut-être faudra-t-il un jour reconnaître l'existence d'un domaine public volontaire à côté du domaine public classique. Mais il s'agit d'un autre chapitre.

Par ailleurs, la diffusion des oeuvres est non seulement une extension, mais aussi une condition de la création, dont elle détermine in fine le statut. Ainsi, nous devons nous préoccuper du marché physique du livre, car l'apparition du livre numérisé aura des effets considérables sur toute la chaîne du livre, notamment sur les librairies et les bibliothèques.

Car les bibliothèques, les centres de documentation et les archives sont des lieux d'accès à la culture pour tous, très largement concernés par la diffusion des oeuvres numériques. Il va donc devenir nécessaire de créer des modèles économiques et juridiques qui satisferont à la fois les besoins des professionnels du livre et les attentes du public.

Monsieur le ministre, loin de vouloir contester cette proposition de loi, nous cherchons à ne pas figer, en imposant un modèle unique, un processus promis à évoluer. Avant que les usages ne se stabilisent, le livre homothétique ne doit être qu'une étape provisoire, préalable à d'autres formes de livres numériques. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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