François Godement et moi avons une différence d'approche. Je suis beaucoup plus pessimiste que lui sur l'avenir de la Chine, historiquement victime de la propension à la vanité de ses élites – un travers qui menace les pays qui furent glorieux et dont le nôtre n'est pas exempt. De plus, étant donné l'origine de ses dirigeants, je n'ai pas confiance. Je sais que des arguments raisonnables peuvent m'être opposés mais, tout en reconnaissant les progrès réalisés, je demeure profondément inquiet car j'ai du mal à croire qu'un régime qui a été communiste puisse être autre chose que pourri, corrompu et fragmenté.
On a tendance, à l'étranger, à exagérer la situation des droits de l'homme « classiques ». Si l'on parle des victimes des catastrophes environnementales – par le lait contaminé, par exemple -, ou des conditions de travail dans des usines qui sont en réalité des camps de travail, ou de la très dure répression des pasteurs évangélistes dont les sectes fleurissent, alors le tableau est effectivement catastrophique. Mais il y a beaucoup moins de prisonniers politiques qu'il y en eut – peut-être 5 000, un chiffre assez faible rapporté à la population. Cela tient à ce que la population est occupée par ailleurs, et qu'elle est prudente. J'ai parlé des camps de travail dans un de mes ouvrages intitulé L'archipel oublié ; le titre du prochain sera L'archipel décomposé car c'est de cela qu'il s'agit maintenant. Certes, les incarcérations sont encore dures et il y a parfois des tortures mais, au regard de ce qui se passait auparavant, la rigueur du régime n'est plus ce qu'elle fut.