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Intervention de François Godement

Réunion du 9 février 2011 à 10h30
Commission des affaires étrangères

François Godement, professeur des universités à l'Institut d'études politiques de Paris :

Vous nous avez interrogés, monsieur Roubaud, sur les relations sino-américaines. Vous aurez noté que même à l'occasion de la conférence de presse clôturant leurs rencontres MM. Obama et Hu Jintao parlent sans fard de la concurrence – « amicale et « contrôlée » certes, mais concurrence néanmoins – qui existe entre les deux pays. Cela traduit l'acceptation d'une situation devenue instable. Les Chinois savent la suprématie stratégique actuelle des Etats-Unis mais ils se préparent à l'atténuation de cette domination, voire à un renversement de situation. Tout en envisageant une deuxième crise financière occidentale et notamment américaine, ils continuent d'investir en dollars car ils n'ont pas le choix mais ils s'attachent en même temps à diversifier leurs placements. Ils poussent des pointes en matière militaire, car ils veulent un libre accès à la mer, et pour cela s'extraire de la double chaîne de bases installées depuis 50 ans sur des îles en mer de Chine, mer du Japon et mer des Philippines dans laquelle les Américains les ont enfermés. A cette fin, ils font pression sur leurs voisins des pays concernés et sur les États-Unis eux-mêmes ; c'est un changement.

A propos du G20 et des attentes européennes et françaises qu'il suscite, je suis réservé. En effet, la Chine a obtenu un premier gain : la réduction de la représentation des pays de l'Union européenne au conseil d'administration du FMI sans contrepartie pour les Européens. Ceux-ci ont d'autre part atténué leurs demandes de réévaluation du yuan – deuxième gain pour la Chine. Nous, Européens, recherchons un appui pour réformer le système monétaire international, mais la Chine prendra ce qui lui conviendra et de l'offre européenne et de l'offre américaine, si bien que l'Europe me paraît dangereusement exposée. Cela me ramène aux relations entre l'Inde et la Chine, qui s'appuient l'une sur l'autre quand elles en ont besoin contre l'Europe. L'échec de Copenhague en est un exemple : les deux pays s'étant mis d'accord, la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique était vouée au fiasco avant même de s'ouvrir. De même, lorsque les Indiens veulent mettre en échec les négociations sur la libéralisation commerciale au sein de l'OMC, ils s'allient aux Chinois. La Chine privilégie les coalitions sélectives avec les grands pays émergents quand elles l'arrangent ; mais quand il s'agit d'obtenir le statut de membre permanent au Conseil de sécurité de l'ONU, elle se défend seule et ne cède rien à personne. Inutile de dire que l'on se prend à rêver d'une diplomatie européenne qui se chercherait, elle aussi, de grands alliés…

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