La fraude documentaire et à l'identité constitue une des composantes de la fraude sociale dans la mesure où elle permet, à côté de l'exercice illégal d'une profession ou de l'obtention irrégulière de la nationalité française, la perception de prestations sociales indues. Elle recouvre diverses infractions punies par le code pénal qu'on a donc regroupées sous deux rubriques : la fraude documentaire, qui consiste à falsifier des titres d'identité établis par l'État ou à les contrefaire, éventuellement à partir de documents vierges volés, et la fraude à l'identité – qui peut être matérielle – lorsqu'on fournit de fausses pièces justificatives pour obtenir un document d'identité authentique – ou intellectuelle. C'est le cas, en particulier, de l'usurpation d'identité.
Cette fraude existe depuis longtemps mais tend à nettement se développer, avec une particularité : environ 80 % des fraudes détectées sont le fait de ressortissants étrangers souhaitant se maintenir irrégulièrement sur notre territoire. Ces faux titres, de séjour notamment, peuvent ensuite servir de supports à d'autres fraudes : à la législation du travail comme aux législations sociale et fiscale, – ou servir à mettre en place des escroqueries pures et simples.
Ce constat statistique explique que le comité interministériel de contrôle de l'immigration ait été à l'origine d'actions nouvelles. Dès sa création, en décembre 2006, il a lancé un plan national de lutte contre la fraude à l'identité commise par des ressortissants étrangers, comprenant la constitution d'un réseau national d'experts et, pour la détection, un programme d'équipement et un programme triennal de formation en direction de multiples catégories de personnels. La fraude étant rarement éclatante et faisant d'ailleurs l'objet de peu de plaintes, il faut en effet affiner les méthodes de détection.
Mais les ressortissants étrangers n'étant pas seuls en cause, il a été décidé, après le regroupement des ministères de l'intérieur et de l'immigration, de lancer le projet de lutte contre la fraude documentaire et à l'identité dont j'ai la charge depuis quelques semaines. L'objectif est de coordonner l'action des services de sécurité – police et gendarmerie – et celle des administrations délivrant des documents d'identité – préfectures, mairies ou consulats. Parallèlement, les « référents fraudes » ont vu leurs missions s'élargir au-delà des questions de fraude au séjour irrégulier. Dans le cadre de la mission de préfiguration qui m'est confiée, je dois rendre d'ici à l'été un rapport définissant une stratégie globale de lutte contre la fraude documentaire et suggérant les structures qu'il serait souhaitable de mettre en place à cet effet.
Pendant longtemps, la falsification et la contrefaçon de documents ont constitué le principal type de fraude : l'État a donc d'abord cherché à sécuriser les titres. Cette mission incombe aujourd'hui à l'Agence nationale des titres sécurisés. Plus on sécurise les titres, moins on a de contrefaçons, mais plus il convient aussi de veiller aux autres maillons de la chaîne, sur lesquels la fraude se reporte. L'obtention indue de vrais documents tend ainsi à devenir notre première préoccupation, et nous entendons donc la combattre sans pour autant renoncer à parfaire en permanence la sécurisation, car l'imagination des fraudeurs n'a pas de bornes !