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Intervention de René Dosière

Réunion du 10 avril 2008 à 9h30
Cour des comptes et chambres régionales des comptes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRené Dosière :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au début du XXe siècle, un jeune écrivain engagé, Charles Péguy, esquissait une hiérarchie des séances de la Chambre des députés, avec trois catégories : les séances banales, grandes ou capitales, ces dernières étant d'ailleurs les seules dont il rendait compte dans ses Cahiers de la Quinzaine, avec un bouillonnement qui n'avait d'égal que l'importance du Parlement à l'époque.

La séance d'aujourd'hui appartient manifestement à la première catégorie. (Sourires.) Elle n'est toutefois pas dépourvue d'intérêt puisqu'on y évoque aussi bien la gestion de l'argent public que la construction européenne. Ce texte vise en effet à adapter les procédures juridictionnelles de la Cour et des chambres des comptes pour renforcer leur caractère équitable et limiter leur durée. C'est un progrès que nous devons à l'Europe. J'insiste sur ce point, car il est toujours bon de souligner que, dans certains domaines, l'Europe constitue pour nous un véritable progrès – et c'est le cas avec ce texte – en ce qui concerne les procédures juridictionnelles, qu'elles soient civiles, pénales, administratives ou financières. Il conviendra également – nous y avons fait allusion tout à l'heure – que des instances telles que la Commission nationale des comptes de campagne évoluent dans le même sens.

C'est une leçon de modestie pour la France, qui n'est pas toujours aussi exemplaire qu'on veut le faire croire. C'est aussi une illustration concrète du fait que l'Europe nous permet d'améliorer la protection des citoyens, même si cela doit se faire au prix de modifications sensibles dans le fonctionnement j'oserai dire « historique » – de nos institutions bicentenaires. Telle était la finalité de la disposition que j'avais fait adopter, malgré le peu d'enthousiasme de la Cour et l'opposition, à l'époque, de M. Toubon et de M. Boyon, alors députés, dans la loi 93-122 du 29 janvier 1993, qui faisait référence à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Cet amendement avait conduit la Cour et les chambres à modifier quelque peu leur procédure.

Pour ne pas reprendre les propos de mon collègue Derosier, et compte tenu du temps qui m'est imparti, je m'en tiendrai à l'action des chambres régionales des comptes. C'est une institution à laquelle les « décentralisateurs de la veille » que sont les socialistes qui ont voté les premières lois de décentralisation sont particulièrement attachés. Le Premier président de la Cour des comptes qui était, à l'époque, député, n'avait pas manifesté à l'égard de cette création un enthousiasme communicatif…Il y était même opposé, mais nous sommes heureux qu'il ait pu, entre-temps, changer d'avis.

Nous y sommes attachés, d'abord parce que c'est une création de la décentralisation, mais aussi parce que ces chambres constituent la contrepartie nécessaire à la liberté donnée alors aux collectivités. S'agissant de la gestion des fonds publics, la liberté sans contrôle aboutit en effet au laxisme, comme on l'a vu avec le budget de la Présidence de la République, ou au gaspillage et à la corruption, comme on l'a vu en Polynésie française. Fort heureusement, les choses évoluent, puisque la Cour va désormais vérifier les dépenses de la Présidence de la République, et qu'en Polynésie la chambre territoriale des comptes effectue depuis quelques années, sous l'impulsion des présidents Vacheron puis Basset, un travail remarquable et, espérons-le, salutaire.

C'est dire notre volonté, monsieur le secrétaire d'État, d'être attentifs, dans la réforme qui s'annonce, aux pouvoirs et aux moyens qui seront accordés aux chambres régionales et territoriales des comptes. Il ne faudrait pas non plus, à cette occasion, réduire l'autonomie dont elles disposent et qui donne à cette institution vénérable et respectable qu'est la Cour des comptes une dimension décentralisée, adaptée au poids que représentent dans notre pays les collectivités locales. D'ailleurs, la gestion publique de l'État et celle des collectivités ne se ressemblent pas, puisque l'État n'est pas tenu de voter un budget en équilibre – sauf erreur de ma part, le dernier en ce sens remonte à 1973 –, contrairement aux collectivités locales. En outre, si l'État peut emprunter pour rembourser les emprunts passés et financer des dépenses de fonctionnement – ce qui, en d'autres termes, s'appelle « faire de la cavalerie » –, les collectivités locales, elles, ne peuvent recourir à l'emprunt que pour financer des équipements. Le besoin de financement des collectivités locales, au demeurant limité, n'est aucunement comparable à celui de l'État.

Puisse donc le Gouvernement être un peu plus attentif aux analyses et aux recommandations de la Cour des comptes, qui sont faites régulièrement dans la loi de règlement et, en tout cas, les accueillir avec autant de plaisir qu'en montrent les collectivités locales recevant celles des chambres régionales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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