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Intervention de Michel Bouvard

Réunion du 10 avril 2008 à 9h30
Cour des comptes et chambres régionales des comptes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Bouvard :

Une telle réforme était nécessaire, d'autres l'ont dit avant moi. L'évolution de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme entraîne une soumission croissante des procédures juridictionnelles de la Cour des comptes et des chambres régionales aux prescriptions de la Convention européenne des droits de l'homme, notamment au paragraphe 1 de l'article 6, qui instaure le « droit à un procès équitable dans un délai raisonnable ».

Face aux critiques, ces procédures ont déjà beaucoup évolué : l'exclusion du rapporteur du délibéré dans les instances de condamnation à l'amende, en vigueur depuis 1996, a été inscrite dans la loi en 2001 ; ensuite, il faut saluer l'initiative du Premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, qui, dans son instruction du 16 mai 2006, a demandé que les jugements de mise en débet fassent systématiquement l'objet d'une audience publique, que le rapport et les conclusions du parquet fassent l'objet d'une communication préalable, et enfin que le rapporteur et le représentant du parquet soient exclus du délibéré.

Mais ces efforts sont insuffisants : le dispositif manque toujours de fondement juridique. L'objet du présent projet de loi est d'y remédier, avec un triple objectif : garantir le caractère équitable de la décision, assurer un délai raisonnable, enfin harmoniser et simplifier les procédures de la Cour et des chambres régionales.

Le caractère équitable de la procédure sera garanti par une séparation plus nette entre les règles s'appliquant aux procédures administratives et celles relatives aux procédures juridictionnelles, qui font désormais l'objet d'un chapitre spécifique. En cas de procédure contentieuse, les garanties du justiciable seront renforcées puisque les fonctions d'instruction, d'accusation et de jugement seront clairement distinguées, et la publicité et le caractère contradictoire des débats seront assurés. Dorénavant, et le groupe UMP s'en réjouit, l'ouverture de l'instance relèvera exclusivement du ministère public, sur réquisitoire, au regard des conclusions du rapport d'instruction ; l'autosaisine est donc supprimée. Avant tout jugement, le réquisitoire est immédiatement transmis au comptable concerné, afin qu'il puisse préparer sa défense : en d'autres termes, le jugement provisoire est supprimé.

Dès la transmission du réquisitoire, la procédure devient pleinement contradictoire, l'instruction se fondant sur des échanges avec le comptable – écrits ou oraux – lors de l'audience publique, devenue systématique. Enfin, le magistrat instructeur et le représentant du parquet sont tous deux exclus du délibéré.

Afin que les jugements soient encore plus équitables, la détermination de l'amende prend désormais en compte des critères subjectifs, et non plus seulement objectifs. Cela entraîne en contrepartie la disparition de la remise gracieuse des amendes. Le groupe UMP partage l'avis de M. de Courson concernant cette forme de justice retenue. Les remises gracieuses accordées par le ministre sur l'ensemble des mises en débet des comptables ont concerné, pour les deux derniers exercices, comme l'a rappelé M. de Courson, 95 % des montants en cause, soit un montant total de 64 millions d'euros ! Cette anomalie est parfaitement illégitime et je souhaite vivement, monsieur le secrétaire d'État, qu'à l'occasion de la loi de règlement le Gouvernement nous éclaire sur le montant de ces remises gracieuses, qui devraient faire l'objet d'un avis indépendant et d'une concertation avec la Cour des comptes.

Nous nous félicitons par ailleurs de la suppression, parfaitement légitime, des amendes pour les héritiers du comptable.

Ce texte avait également pour objet d'instaurer des délais raisonnables, que la collégialité de principe des décisions et la procédure du double arrêt prolongeaient inutilement. Deux mesures devraient y remédier : en cas d'absence de charge, la décharge par ordonnance d'un juge unique – et non plus par un arrêt collégial – et la suppression de la procédure contestée.

Dans la procédure du double arrêt, les magistrats rendaient un premier jugement provisoire à l'issue de l'instruction. Ce jugement était ensuite transmis au comptable concerné, qui ne découvrait malheureusement qu'à ce stade les charges retenues contre lui. Désormais, grâce à ce texte, la transmission du réquisitoire déclenchera directement la procédure contradictoire, aboutissant à un seul et unique jugement. Ce bouleversement majeur rapproche la procédure du droit commun des juridictions.

Par ailleurs, les chambres régionales des comptes pourront désormais condamner les comptables patents et de fait s'ils tardent à produire leurs comptes, et le montant de l'amende maximale est augmenté – nous nous en réjouissons car cela n'avait pas eu lieu depuis 1995 !

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce texte, en attendant l'importante réforme qui devrait renforcer les pouvoirs de la Cour et des chambres régionales des comptes. Je voudrais pour terminer, m'adressant à M. le secrétaire d'État mais peut-être encore davantage au président de l'Assemblée, indiquer qu'en la matière le Parlement doit pouvoir mettre à profit toutes les possibilités que lui offre la loi. Or la modification de la loi organique sur les lois de finances, en 2004, permet à la représentation nationale de demander un débat au Parlement sur le rapport annuel de la Cour des comptes.

Ce débat n'a toujours pas eu lieu. Il faut que la représentation nationale le demande – la commission des finances y est très attachée –, et qu'en attendant la révision constitutionnelle le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement veuille bien dégager le temps nécessaire dans l'ordre du jour.

Il y va des droits du Parlement, mais aussi du bon usage des travaux de la Cour. Aussi, je ne doute pas que nous puissions bientôt arriver à la mise en oeuvre d'un tel débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) :

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