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Intervention de Bernard Derosier

Réunion du 10 avril 2008 à 9h30
Cour des comptes et chambres régionales des comptes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Derosier :

Je me réjouis que le présent texte renforce le principe du contradictoire. Cette réforme a été amorcée par la loi du 21 décembre 2001 dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur. Je considère également comme une avancée le fait qu'en application du principe de séparation des pouvoirs, le ministre ne pourra plus décider la remise gracieuse des amendes auxquelles les comptables ont été condamnés par le juge des comptes.

Ce projet de loi comprend donc des avancées en termes de garantie d'une procédure juridictionnelle financière plus équilibrée. Toutefois, je me dois de faire état de quelques craintes relatives aux implications que comporte ce texte et des dangers cachés qu'il recèle.

Je veux d'abord, une fois de plus, dénoncer les méthodes de travail de notre assemblée. Alors que le Gouvernement – et sa majorité – ne cesse de nous lancer des appels à soutenir les réformes institutionnelles qui nous seront proposées, il se comporte à notre égard avec une désinvolture inacceptable. Trop souvent, vous le savez, nous légiférons en réaction à une actualité débordante sans même prendre le temps, pourtant si précieux, de la réflexion et de l'évaluation des actions à mener. On nous promet, au demeurant, des réformes qui pourraient redonner sens à la fonction parlementaire mais, pour l'heure, nous ne pouvons que constater la dégradation de nos conditions de travail.

Que l'on en juge, monsieur le secrétaire d'État : le 25 mars 2008, des auditions étaient organisées alors que le projet de loi n'était pas adopté par le Conseil des ministres et que le rapporteur, par conséquent, n'avait pas été nommé. Dire que nous n'avons pas les moyens d'exercer notre mission s'apparente à un doux euphémisme. Nous sommes soumis à un simulacre de participation, qui ne fait que renforcer le scepticisme à l'égard des promesses présidentielles.

Par ailleurs, comment expliquer de manière rationnelle que ce projet de loi n'ait pas pu être accroché à la réforme annoncée des juridictions financières que j'évoquais tout à l'heure ? Le Premier président de la Cour des comptes en a dressé les grandes lignes dans son discours de voeux le 18 janvier dernier. Faisant siennes les exigences formulées par le Président de la République lors de son intervention pour le bicentenaire de la Cour des Comptes, il nous a promis une réforme sans précédent des juridictions financières. Pourquoi donc dissocier le texte que nous devons discuter aujourd'hui de cette réforme d'ampleur qui arrivera dans les toutes prochaines semaines ? Je n'aurai pas la faiblesse de croire que des considérations d'urgence imposent ce calendrier. Nous avons attendu assez longtemps pour ne pas nous offusquer de patienter quelques semaines de plus. Là encore, monsieur le secrétaire d'État, votre réponse nous intéresse. Sans quoi je craindrais que vous n'usiez d'un expédient pour saucissonner la réforme et en dissiper les aigreurs… Je ne veux pas imaginer que la volonté du Gouvernement soit tout simplement de masquer aux membres du Parlement, aux responsables des collectivités territoriales et à l'opinion sa volonté de mener de dangereuses réformes.

En effet, au-delà de la technicité du texte, il apparaît que des hommes et des femmes s'inquiètent quant à leur avenir. L'idée du Président de la République et du Premier président de la Cour des comptes me semble claire. Ils nous ont promis d'une part l'unification du régime juridictionnel pour les ordonnateurs et les comptables, d'autre part la certification des comptes des collectivités territoriales, et enfin la mise en cohérence du système formé par la Cour et les chambres régionales des comptes. Or on apprend dans le même temps que ces dernières ne disposeront que de moyens réduits du fait de la rationalisation de leur fonctionnement – suppressions, regroupements et fusions selon des critères quantitatifs – tout en ayant la charge de nouvelles tâches, de certification notamment.

Ces méthodes font ressurgir de douloureux souvenirs liés à la réforme de la carte judiciaire : même façon d'aborder le sujet, mêmes faux-semblants, mêmes arguments en faveur du regroupement et de la fusion de juridictions, même tromperie, pour finalement donner l'illusion de la concertation dans une réforme bâclée.

Dès lors, le dilemme auquel seront confrontées les juridictions financières dans les prochaines semaines est le suivant : comment faire plus avec toujours moins ? Dans ce contexte on ne peut que s'inquiéter des futures conditions de travail des membres des juridictions financières et de la pérennité du service public de la justice. D'ailleurs, je sais que revient souvent l'idée de voir sous-traiter les missions autrefois dévolues aux chambres régionales des comptes par le secteur privé – les commissaires aux comptes, par exemple. Monsieur le secrétaire d'État, c'est une question que je vous pose : avez-vous l'intention d'organiser dans ce domaine le recul du service public qui caractérise la politique du Gouvernement ?

Les mauvaises solutions qui sont proposées ne sont pas là pour nous rassurer. Une proposition de loi visant à instituer une procédure de certification des comptes des collectivités, notamment par la création d'une inspection générale des comptes des collectivités territoriales, a été déposée par un député de l'UMP. Comme je le vois à votre geste, monsieur le secrétaire d'État, nous n'en sommes pas encore là : je vous l'accorde. Mais le train des mesures approche trop rapidement pour ne pas exprimer notre inquiétude et formuler des interrogations auxquelles, j'en suis sûr, vous ne manquerez pas de répondre.

Nous avons un devoir de vigilance quant aux évolutions à venir, et particulièrement dans ce contexte de rigueur budgétaire où votre seule référence pour toute réforme d'envergure se résume à la seule révision générale des politiques publiques.

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