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Intervention de Éric Ciotti

Réunion du 10 avril 2008 à 9h30
Cour des comptes et chambres régionales des comptes — Discussion d'un projet de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Les étapes successives de cette procédure l'allongeaient excessivement, comme l'avait souligné la CEDH dans son arrêt Richard-Dubarry contre France du 1er juin 2004. À l'issue de l'instruction, si le parquet conclut à l'existence d'une charge à rencontre du comptable, l'affaire sera tranchée par un seul et même jugement, rendu à l'issue d'une procédure contradictoire. Si, à l'inverse, le ministère public conclut à l'absence de charge, le comptable pourra être déchargé par une ordonnance rendue à juge unique.

Il vous sera proposé par voie d'amendement d'écarter toute rédaction qui ferait obligation au président de la formation de jugement de prendre ladite ordonnance, car cette décision juridictionnelle ne saurait relever du parquet, lequel décide uniquement d'engager ou non des poursuites.

La commission des lois a également décidé de simplifier la procédure proposée lorsque le juge a rendu une ordonnance de décharge. En effet, la contestation préalable de cette décision, devant le juge qui l'a prise, ne nous a pas semblé utile, alors même que les voies de recours ordinaires demeurent ouvertes, et que la contestation des jugements de décharge qui sont favorables aux comptables demeure extrêmement rare.

Le projet de loi permet donc de distinguer rigoureusement les fonctions d'instruction, de poursuite et de jugement. Dans ce cadre, le ministère public près les juridictions financières se verra incontestablement offrir un rôle central dans le déclenchement des procédures contentieuses. Cependant, il faut rappeler que le ministère public prend ses décisions en complète autonomie, ce qui conduit à écarter toute comparaison mécanique avec les parquets judiciaires. Ainsi, les membres du ministère public près la Cour des comptes et les CRC ne peuvent recevoir aucune instruction de la part de l'exécutif.

En second lieu, le projet de loi vise à généraliser la publicité des audiences et à assurer l'équilibre de la procédure contentieuse applicable devant les juridictions financières, en excluant le rapporteur comme le ministère public du délibéré. Il vous est proposé de compléter la prise en compte des implications juridiques de l'arrêt Martinie rendu par la CEDH le 12 avril 2006, en offrant également aux parties qui le demandent un accès au dossier. Parce qu'elle est essentielle au respect du droit à un procès équitable, cette garantie – déjà offerte en pratique par la Cour des comptes depuis 2006 –, a bien sa place dans la loi : elle permet au comptable de préparer utilement et efficacement sa défense avant l'audience publique, dans des conditions qui pourront être précisées par voie réglementaire.

En troisième lieu, le projet de loi revient partiellement sur le pouvoir de remise gracieuse que détient le ministre chargé des comptes publics à l'égard des comptables. En effet, celui-ci dispose du pouvoir de remettre gracieusement les débets et amendes prononcés par le juge des comptes à l'égard d'un comptable. Certains voient dans cette pratique une persistance de la « justice retenue », abandonnée pour les juridictions administratives dès 1872. De fait, l'importance de ce pouvoir, largement utilisé par le ministre, suscite d'importantes critiques, légitimes au regard des principes d'indépendance de la juridiction, qui voit ainsi ses décisions réformées par le pouvoir exécutif.

Afin de répondre à ces critiques, l'article 9 du projet de loi supprime ce pouvoir de remise gracieuse en matière d'amendes, tout en le maintenant en matière de débets. Les amendes ont en effet le caractère d'une sanction et l'immixtion du pouvoir exécutif dans l'exécution d'une décision de justice n'est pas justifiable. Dans le même temps, l'article 8 du projet de loi permet au juge financier, lorsqu'il se prononce en matière d'amendes, de prendre en compte des éléments subjectifs liés au comportement du comptable, afin d'adapter le quantum de l'amende à la gravité du manquement constaté. Le pouvoir des juridictions financières de prononcer des amendes sera désormais conforté, d'autant que le plafond du montant de ces mêmes amendes sera doublé par le projet de loi.

Néanmoins, personnellement, je considère que la réflexion sur le pouvoir de remise gracieuse du ministre des comptes publics n'est pas close et ne doit pas l'être. En, effet, est-il normal que le contribuable ait pris en charge, en 2007, plus de 15 millions d'euros sur les 15,4 millions d'euros de débets prononcés à rencontre des comptables, lesquels ont pourtant l'obligation de s'assurer ? (Applaudissements de M. Charles de Courson et de M. Michel Bouvard.)

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