Il va de soi, monsieur Gosnat, que ce texte ne suffira pas à corriger l'ensemble des problèmes liés aux défaillances nutritionnelles, mais il y contribuera grandement. Des études ont, en effet, démontré l'efficacité d'un tel étiquetage. Il ne serait certes pas mauvais d'aller plus loin, mais il est préférable, d'un point de vue pédagogique, de commencer par un nombre limité d'informations.
Selon un adage bien connu, « ce qui se mesure s'améliore ». À partir du moment où l'industrie agroalimentaire détaillera la composition de ses produits, il y aura une tendance naturelle à la réduction des éléments néfastes grâce au jeu de la concurrence : entre deux produits comparables, les consommateurs choisiront naturellement celui dont la composition est la meilleure.
Nous pourrions, bien sûr, adopter des mesures plus drastiques, mais cela réduirait les chances de parvenir à une adoption rapide de ce texte qui va dans le sens d'une plus grande vertu.
Si vous souhaitez vraiment oeuvrer en faveur de la santé de nos concitoyens, monsieur Fasquelle, rejoignez-nous en cosignant cette proposition de loi, comme François Brottes l'a suggéré. Sur un enjeu de société et de santé publique aussi important, et qui plus est dépourvu de toute dimension politicienne, je suis disposé à tout faire pour que vous puissiez vous associer à ce texte. Je vois mal, au demeurant, comment vous pourriez vous démarquer des engagements du Président de la République et du ministre de la santé, qui nous exhortent publiquement à lutter contre l'obésité et le surpoids !
Une discussion est effectivement engagée au niveau européen depuis janvier 2008, et il y a eu des avancées : un accord politique, en date du 7 décembre dernier, prévoit l'adoption d'un texte avant la fin du mois de juin 2011, en principe. Vous avez toutefois reconnu que ce règlement sera vraisemblablement en retrait par rapport aux mesures que nous vous soumettons. Nous n'avons aujourd'hui aucune certitude sur ce qui sera proposé, et l'on peut craindre que l'on n'avance guère en réalité. Anny Poursinoff a rappelé que le dispositif des « feux tricolores », qui n'a pourtant rien de révolutionnaire, a été rejeté à la suite de diverses pressions.
Nous ne sommes pas aujourd'hui en position de leader mondial dans le domaine de l'information nutritionnelle, car d'autres pays nous ont précédés depuis près de deux décennies, mais nous pouvons l'être en Europe en montrant le chemin du bon sens, de la vertu et de la santé publique. Si nous sommes exemplaires, d'autres pays européens, puis la Commission, finiront par nous suivre. Cela ne se produira peut-être pas dès juin 2011, mais il y aura un effet d'entraînement.
J'ajoute que notre proposition de loi ne constituera nullement un handicap pour les industriels français : elle s'appliquera à tous les produits vendus dans notre pays, quelle que soit leur origine ; tous porteront les mêmes mentions. Quant au calendrier, en quoi serait-il une contrainte ? Ce n'est pas la loi qui le définira : il reviendra au ministre de préciser les conditions d'une application qui sera évidemment progressive. L'obligation ne vaudra que pour les produits mis sur le marché après une certaine date. Tous ceux qui sont déjà en stock y échapperont. Nous faisons donc oeuvre pour l'avenir.
Cela étant, la santé publique de nos concitoyens s'améliorera d'autant plus vite que nous commencerons à agir rapidement et le seul danger que j'entrevois, en réalité, serait de ne pas statuer maintenant. Faut-il rappeler que nous avons dû attendre entre cinq et huit ans de plus que d'autres pays pour retirer du marché le Mediator ? Ne prenons pas le même retard en matière d'information nutritionnelle.
À Yannick Favennec, qui rappelait à quel point l'éducation nutritionnelle est souhaitable, je répondrai qu'elle existe déjà, bien qu'elle soit insuffisante, et que ses effets seront amplifiés dès lors que les consommateurs disposeront de données précises, c'est-à-dire dès que l'étiquetage nutritionnel sera en vigueur. Mais nous ne pouvions pas prévoir l'organisation d'une éducation nutritionnelle avec des moyens conséquents et nouveaux dans ce texte, car nous nous serions heurtés ce faisant à l'article 40 de la Constitution.
Nous partageons naturellement le voeu, formulé par Michel Lejeune, que l'étiquetage soit plus général. Plus il sera complet, plus ses bénéfices seront importants, mais il ne faudrait pas que trop d'information tue l'information. Pour des raisons pédagogiques, mieux vaut commencer par fournir à nos concitoyens un nombre réduit de données simples à comprendre. La plupart d'entre eux savent ce que sont le sel, les lipides, les glucides et les protéines : il faut donc avancer progressivement.
J'ajoute que si la directive de 1990 nous permet d'introduire un certain nombre d'informations nutritionnelles, elle nous interdit d'imposer des spécifications plus détaillées. Je ne doute pas que la situation évolue au niveau européen mais, pour le moment, il faut s'en tenir au cadre en vigueur.
Mme Grommerch s'interroge sur l'effet des mesures qui vous sont proposées. Évitons les éléments subjectifs et les craintes virtuelles. Appuyons-nous plutôt sur les données scientifiques : cela fait plus de dix ans qu'on accumule une expérience dans ce domaine. Des études scientifiques ont démontré que l'information nutritionnelle permet une réduction de la consommation de junk food, y compris chez les populations les plus défavorisées – je pense, par exemple, aux habitants noirs ou hispaniques des quartiers défavorisés des États-Unis.
Nous nous honorerions, mes chers collègues, de nous retrouver autour de cette proposition de loi, quitte à ce qu'elle soit amendée afin que tous puissent se l'approprier. Nous devons envoyer un signal fort à nos concitoyens.