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Intervention de Daniel Paul

Réunion du 9 février 2011 à 10h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Paul :

Les réseaux sont aujourd'hui au centre d'un conflit. D'un côté, certains acteurs veulent en préserver autant que possible la gratuité ainsi que la liberté d'organisation et d'utilisation, en même temps qu'y garantir la liberté d'expression. De l'autre, certains souhaitent en faire un espace toujours plus marchand, contrôlé par de grands groupes ou par des instances politiques.

C'est pourquoi il était important que le législateur se saisisse de la question cruciale de leur neutralité, soulevée à la fois par les internautes, par les acteurs de l'Internet, par les instances européennes, par le Parlement et par le Gouvernement.

Une mission d'information interne à notre Commission va prochainement rendre ses conclusions sur le sujet. La présente proposition de loi est pleinement en phase avec ce travail effectué sous la direction de nos collègues Corinne Erhel et Laure de la Raudière.

Nous sommes, pour notre part, très attachés à la neutralité des réseaux, qui garantit aux usagers du bien commun que constitue Internet un égal accès aux contenus, alors que certaines firmes souhaiteraient le restreindre pour en retirer un profit. Les exemples sont innombrables. Citons seulement la « gestion de priorité », pratique par laquelle un opérateur bride volontairement la qualité de la navigation pour rendre payant l'accès à la qualité normale : en 2008, Orange bridait ainsi le débit de son réseau 3 G +, afin de ne pas avoir à supporter d'éventuels surcoûts liés à un mauvais dimensionnement.

Il faut impérativement contrer les stratégies de certains acteurs privés qui, pour accroître leurs profits, mettent ainsi progressivement à mal l'universalité des réseaux. La recherche de la rentabilité à tout prix nuit à la qualité de l'accès des utilisateurs aux réseaux de communication en ligne. Inscrire dans notre droit le principe de la neutralité des réseaux, c'est permettre aux usagers de ne pas pâtir de ces stratégies, contraires à l'intérêt général. La privatisation totale du secteur des télécommunications n'est pas étrangère à la situation. La disparition de tout acteur public et l'absence de réelle régulation du marché par l'État ont conduit à une entente entre les grandes entreprises qui se partagent un marché oligopolistique, à des distorsions de concurrence et à de multiples atteintes à la neutralité des réseaux.

Pour autant, le contrôle des réseaux par les acteurs publics ne serait pas souhaitable – l'exemple de la récente révolution en Égypte nous le rappelle si besoin était. En difficulté face à la révolte du peuple, le régime de Moubarak a tout simplement coupé la quasi-totalité des accès à Internet dans le pays. Cette pratique totalitaire a été rendue possible par le caractère fortement oligopolistique du marché de l'Internet égyptien, concentré, comme en France, entre les mains d'un très petit nombre d'acteurs.

Face au risque de contrôle et de filtrage indu des réseaux par les autorités, invoquant l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 selon lequel « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi », le Conseil constitutionnel déclarait dans sa décision du 10 juin 2009 « qu'en l'état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l'expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d'accéder à ces services. » C'est dans cet esprit que nous devons légiférer. Les députés communistes, républicains et du parti de gauche, ainsi que, je le pense, les députés Verts, voteront donc cette proposition de loi.

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