Grâce aux progrès médicaux et à la solidarité des donneurs, la transplantation d'organes est devenue sans conteste l'un des miracles médicaux du xxie siècle. Toutefois, elle conduit à des dérives, amplifiées par la pénurie d'organes. De nombreux rapports révèlent ainsi l'existence d'un phénomène alarmant, le tourisme transplantatoire : des patients touristes traversent les frontières pour obtenir, contre paiement, les organes de personnes pauvres.
Le voyage de transplantation, qui est une forme de tourisme médical, s'est développé ces dernières années dans des pays disposant de plateaux techniques satisfaisants, permettant des transplantations rapides, à partir de donneurs vivants non apparentés et rémunérés – sans être toujours consentants –, au profit de patients venant de pays développés. Effectuées par des équipes locales qualifiées, et parfois par des chirurgiens venant d'Europe ou d'Amérique, ces greffes obtiennent des résultats généralement satisfaisants sur le plan médico-technique, mais restent répréhensibles sur le plan éthique – et c'est un euphémisme.
Les pays le plus souvent impliqués dans ce trafic sont les Philippines, le Pakistan, la Chine et la Turquie, les pays clients étant notamment l'Australie, le Canada, le Japon, Oman, l'Arabie Saoudite et les États-Unis. Les tarifs de ces interventions varient de 80 000 à 150 000 euros, pour un rein qui sera payé en moyenne 500 euros à un « donneur » en Afrique du Sud, 1 800 euros en Moldavie, 5 000 euros en Turquie ou 700 euros en Inde.
Les progrès médicaux, la corruption et la pauvreté contribuent à l'expansion du marché des organes pour des patients touristes en attente de greffe toujours plus nombreux.
Il arrive, de surcroît, que les organes de donneurs vivants soient obtenus contre leur volonté et sous la menace. C'est le sort tragique des pratiquants du Falun Gong en Chine ; une conférence de presse, à laquelle participait Philippe Gosselin, s'est d'ailleurs tenue sur ce sujet à l'Assemblée nationale. En effet, plusieurs enquêtes ont mis à jour l'existence d'un réseau de trafic d'organes prélevés sur les membres de cette communauté, dont la persécution perdure depuis de nombreuses années. Outre qu'il porte gravement atteinte aux principes d'intégrité du corps humain et de non-commercialisation de ses organes et produits, le tourisme transplantatoire alimente le trafic d'êtres humains sources d'organes.
En 2004, l'Organisation mondiale de la santé appelait ses États membres à « prendre des mesures pour que les groupes de personnes les plus pauvres et les plus vulnérables soient protégés du tourisme de transplantation et de la vente de leurs organes, en portant une attention particulière au problème majeur du trafic international d'organes et de tissus. »
Depuis 2006, l'Agence de la biomédecine a mis en place une enquête annuelle auprès des équipes de greffes rénales, afin de savoir si certains de leurs patients ont été se faire greffer à l'étranger à partir de donneurs vivants rémunérés. Cette enquête, menée dans le respect du secret médical, a montré que, jusqu'à présent, le nombre de ces patients était extrêmement faible, de l'ordre de trente-deux sur une période de huit ans. Toutefois, nous ne disposons pas d'enquête sur les greffes d'autres organes.
L'Agence de biomédecine relève qu'il est important de continuer à recueillir des informations sur ce phénomène, en collectant des données au plan quantitatif, mais aussi sur le profil, le parcours et le suivi de l'état de santé des personnes concernées. En effet, le commerce de la transplantation est un phénomène en pleine expansion ces dernières années, du fait du déséquilibre entre la demande d'organes, toujours croissante, et l'offre, qui peine à y répondre.
Le présent amendement vise donc à renforcer le système de surveillance français du commerce de la transplantation d'organe à l'étranger, en imposant à l'Agence de biomédecine de réaliser, comme elle le fait déjà pour le rein, une enquête annuelle auprès des équipes françaises de greffe, afin de déterminer le nombre de leurs patients qui ont eu recours au commerce de transplantation d'organe à l'étranger. L'implication des équipes de greffe dans le suivi des greffés ou la fourniture de traitements anti-rejets des greffons les placent dans une situation idéale pour fournir ce type d'informations à l'Agence de biomédecine.
J'ajoute qu'en votant une telle disposition, nous enverrions un signal fort aux personnes des pays pauvres qui souffrent et parfois meurent de donner leurs organes.