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Intervention de Charles de Courson

Réunion du 8 février 2011 à 16h15
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Lorsque l'État a organisé la défaisance du Crédit Lyonnais, une contribution forfaitaire de 12 millions d'euros a été demandée à la banque. Lorsqu'a été rendue la décision d'arbitrage, le Crédit Lyonnais a refusé de régler les 12 millions d'euros, n'ayant pas été partie à l'arbitrage – il ne l'avait pas souhaité, pour des raisons d'image. Le CDR a cédé les droits de recouvrement de cette contribution aux liquidateurs du groupe Bernard Tapie. La Cour note qu' « à ce jour ceux-ci n'ont pris aucune initiative pour recouvrer cette créance et n'en ont pas signifié le transport au débiteur ». Ce n'est pas tout à fait exact : les avocats de Bernard Tapie ont indiqué par courrier que celui-ci prenait à sa charge les 12 millions d'euros.

Le Gouvernement indique que « l'EPFR a bien notifié au CDR sa position sur le nécessaire recouvrement de cette franchise dans un courrier du 10 octobre 2007 [et que] le CDR a par ailleurs obtenu in fine une solution équivalant, du point de vue des finances publiques, à celle qui aurait consisté à obtenir que le Crédit Lyonnais s'acquitte auprès du CDR de la franchise en question ».

Bernard Tapie a donc accepté de voir réduite de 12 millions d'euros la somme qui lui a été attribuée par l'arbitrage, afin d'éviter le recours qu'aurait pu intenter le Crédit lyonnais contre cet arbitrage. Si cette opération n'a effectivement pas nui aux intérêts du Trésor public, le problème juridique demeure : l'État pouvait-il, sans solliciter l'autorisation du Parlement, accepter cette « contraction » entre créance et dette sur 12 millions d'euros ?

La Cour des comptes a raison formellement lorsqu'elle dit que l'on ne peut étendre le champ des garanties sans passer par le Parlement mais elle omet de souligner qu'en l'espèce, cela n'a pas eu d'incidence financière pour l'État.

Le troisième point abordé par la Cour des Comptes est le dispositif des risques non chiffrables, c'est-à-dire les risques non évalués. Ceux-ci sont couverts par la garantie à 100 % de l'EPFR, autant dire de l'État. Les critiques de la Cour portent sur la confusion des responsabilités entre les différents niveaux de décision impliqués dans le suivi de la défaisance du Crédit lyonnais. Le Gouvernement considère, quant à lui, que les rôles de chacun sont bien définis par le protocole à chaque étape du processus mais il admet qu'un guide des procédures serait bienvenu et a demandé à la mission de contrôle de le rédiger d'ici à la fin de ce trimestre.

Le quatrième point soulevé par la Cour concerne la prise en charge du risque non chiffrable après l'arbitrage Adidas-Tapie.

Selon la Cour, l'EPFR n'aurait pas dû prendre en charge ce risque. Mais il est l'actionnaire unique du CDR. Il est donc nécessaire de distinguer l'analyse juridique de la situation financière. C'est ainsi que le mécanisme de remontée du résultat du CDR vers l'EPFR rend équivalent pour ce dernier la prise en charge directe ou non d'un risque non chiffrable.

Sur le cinquième point, relatif à la mission de contrôle considérée par la Cour comme peu performante entre 2007 et février 2010, le Gouvernement a précisé, qu'à sa demande, l'EPFR, l'Agence des participations de l'État et la mission de contrôle avaient élaboré un projet de convention définissant précisément la nature des contrôles à effectuer avant la prise en charge par l'EPFR des risques non chiffrables, qui sera prochainement soumis au conseil d'administration de ce dernier.

Reste le dernier point abordé par la Cour, qui intéresse tout particulièrement la commission des Finances, soit la capacité juridique du CDR à compromettre.

En droit français, l'article 2060 du code civil interdit à l'État de compromettre sauf autorisation législative expresse. « On ne peut compromettre sur les contestations intéressant les collectivités publiques et les établissements publics ». La Cour des comptes considère qu'il y a eu défaut d'autorisation législative en l'espèce.

Il y a eu 7 arbitrages dans l'histoire du CDR, quatre à l'étranger où l'interdiction de compromettre ne vaut pas. En France, on connaît trois arbitrages qui concernent deux affaires de faible importance et l'affaire Tapie.

Je rappelle que je suis l'auteur d'un recours devant le tribunal administratif de Paris contre les instructions données par la ministre de l'Économie et des finances aux trois représentants de l'État de ne pas s'opposer au recours à l'arbitrage par le CDR dans l'affaire Tapie.

Mon recours vise à attaquer ces instructions ministérielles qui aboutissent à un complet détournement des droits du Parlement et de l'article 2060 du code civil.

Il suffirait donc, pour pouvoir compromettre, de créer un faux nez de l'État sous forme d'établissement public lui-même assorti d'une filiale à 100 % sous forme d'une société privée autorisée, elle, à compromettre.

J'ai été débouté devant le tribunal administratif qui a considéré que les instructions ministérielles ne méconnaissaient par les dispositions de l'article 2060 du code civil. Le tribunal a estimé que le CDR possédait une réelle autonomie en raison de la composition de son conseil d'administration et en se prévalant de certaines conclusions du rapport de la Cour des comptes pour l'année 2008, dont l'interprétation me surprend.

Mon appel devant la Cour administrative d'appel a été rejeté le 31 décembre 2010, pour un motif de forme : mon recours était trop tardif. J'aurais dû le faire dans les deux mois suivant la date des instructions de la ministre. Or, je n'ai eu connaissance de cet acte que lorsque j'ai interrogé la ministre lors de son audition par la commission des Finances.

La cour d'appel ne s'est donc, hélas, pas prononcée sur le fond.

En conclusion, il serait judicieux que les députés proposent un amendement à une loi de finances qui clarifie les conditions du recours à l'arbitrage. Il conviendrait de réaffirmer que l'on ne peut recourir à l'arbitrage, de manière directe ou indirecte, sans une disposition législative.

La représentation nationale ne peut laisser le trou béant en matière de jurisprudence, qui n'a pas été comblé par la décision de la Cour administrative d'appel de Paris. Or, l'encadrement de l'arbitrage prévu par l'article 2060 du code civil est une protection pour l'État et les collectivités publiques.

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