Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, interdire et réprimer sont les deux piliers de la politique sécuritaire de votre gouvernement, que le discours de Grenoble avait mis en scène. La loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure en est l'une des illustrations les plus éclatantes.
Nous assistons, en effet, à un durcissement inapproprié du droit pénal et des pouvoirs policiers, qui bafoue les principes de l'État de droit et se dispense de respecter les libertés fondamentales.
La LOPPSI 2 – puisque c'est ainsi qu'on l'appelle – est un fourre-tout législatif, un projet exclusivement répressif, qui porte atteinte à nos libertés et à nos garanties judiciaires, qui aggrave les situations de précarité sociale.
Votre texte privilégie les réponses pénales spectaculaires et criminalise les jeunes, les pauvres et les étrangers, au détriment de propositions réfléchies et mesurées en faveur de la prévention.
Comme l'a très bien dit notre collègue Le Bouillonnec, le texte consacre l'expulsion des habitants de fortune. Cette population nombreuse et peu visible, que l'irrégularité ou la faiblesse de son revenu a exclu d'un habitat en dur, est ainsi devenue l'une des principales cibles de ce projet. Vous prônez, en effet, l'expulsion de tous les occupants d'habitats atypiques – tentes, cabanes, caravanes, yourtes, mobil homes –, que les terrains sur lesquels ils sont construits soient publics ou privés, et la destruction de ces habitats, au lieu de faire appliquer la loi de réquisition des logements vides ou de faire construire un nombre raisonnable de logements sociaux.
Vous vous en prenez aux familles les plus fragilisées et aux jeunes en difficulté, en stigmatisant leurs parents et en sanctionnant à tout va au lieu de leur donner les moyens d'affronter leurs difficultés sociales. Ces personnes – la plupart du temps des familles –, déjà expulsées de leur logement, avaient du moins trouvé une certaine stabilité de résidence. Les voilà maintenant ballottées de campement en campement, au rythme des procédures, sans qu'on leur propose le moindre relogement. La scolarisation des enfants devient impossible, de même qu'un travail régulier. Vous créez davantage de précarité. Vous condamnez ces familles à l'errance. Or priver des familles d'un logement stable, c'est les priver de toute perspective d'avenir.
Vous expulsez de manière expéditive, alors que rien n'est fait pour répondre aux besoins et pour honorer les obligations de l'État en matière de logement. Sous couvert de sécurité et de salubrité, vous visez au premier chef, sans les nommer, les Roms et les sans-papiers. Mais toutes les populations précaires, victimes de la crise du logement, feront les frais de votre politique.
Avec son lot d'expulsions de logements et de fichages, avec la généralisation de la vidéosurveillance et de l'espionnage de l'espace public, avec l'aggravation des peines, notamment des peines plancher, et la création de milices supplétives, la LOPPSI 2 préfigure un monde sécuritaire où plus personne ne se sent en sécurité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), un monde tel celui qu'Orwell avait imaginé. C'est un État policier qu'annonce le sarkozysme, où le pouvoir stigmatise et attise les conflits, où il malmène la justice et les juges, en s'affranchissant lui-même de toute règle et de toute décence. Il suffit pour s'en convaincre de voir les dernières incartades des membres de votre gouvernement.
Les associations n'ont de cesse de dénoncer ce projet de loi, qu'elles qualifient à juste titre de scélérat, et se mobilisent contre l'État policier que vous essayez de nous infliger, où les fonctions régaliennes de police sont abandonnées, où la notion de service public est bafouée.
Vous parsemez le texte de mesures répressives visant les étrangers en attente de leur admission au séjour, alors même que nous examinerons bientôt en deuxième lecture un autre texte sur l'immigration.
Dans votre soif de contrôle, vous avez également instauré le filtrage administratif d'internet, via le cheval de Troie de la protection de l'enfance. Un tel dispositif permettra de généraliser la censure des contenus en ligne, tout en laissant prospérer les pédophiles et la pédopornographie. Le rejet de la supervision par le juge illustre clairement la volonté de l'exécutif de contrôler internet. Faire la police sur le net au mépris des droits fondamentaux, voilà votre projet. Il s'agit d'une dérive d'autant plus inquiétante que le filtrage administratif pourra être étendu à d'autres domaines.
Votre soif sécuritaire est sans limites : interdiction de la vente à la sauvette, fichage, identification par empreintes génétiques, vidéosurveillance, que sais-je encore. Mais, derrière cet arsenal, on décèle la volonté de contourner le contrôle judiciaire, et cette idée folle selon laquelle tout individu est potentiellement délinquant.
Lors de la discussion du texte en première lecture, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a dénoncé cette orientation sécuritaire, qui structure et nourrit désormais tous les textes gouvernementaux. Nous nous y opposons fermement ; voilà pourquoi nous voterons naturellement contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)