Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2002, le candidat Sarkozy avait fait de la sécurité son fonds de commerce électoral. La ficelle est trop grosse pour ne pas y voir, aujourd'hui encore, le dévoiement électoraliste de la thématique sécuritaire. La démonstration en est encore faite cet après-midi.
Au gré des faits divers et des envolées belliqueuses du Président de la République, vous agitez le chiffon rouge de l'insécurité, de la menace des banlieues, de la guerre contre les voyous. Vous attisez la peur, la défiance et la suspicion, et dressez les populations les unes contre les autres.
Dans quel but si ce n'est celui de masquer vos résultats désastreux en matière de sécurité ? Comment osez-vous vous gargariser de vos chiffres en trompe-l'oeil alors que les atteintes aux personnes ne cessent de progresser ? Comment ne pas voir dans cette tendance inquiétante la conséquence de clivages sociétaux que vous creusez, et l'écho populaire de la violence économique qu'une poignée de nantis inflige au peuple tout entier ?
Face à cette réalité, vous déployez un arsenal législatif pour une guerre et contre des ennemis que vous fabriquez de toutes pièces. Si guerre il y a, c'est une guerre de classe, puisque vos ennemis sont les étrangers et les classes populaires. Si justice il y a, c'est une justice de classe, car ce sont toujours les mêmes que les gouvernements de droite préfèrent viser, épargnant soigneusement la délinquance en col blanc pour ne pas nuire à la classe économique dirigeante.
En une décennie, vous avez fait de la France l'un des pays les plus répressifs d'Europe et l'un des moins respectueux des droits et des libertés de nos concitoyens. La liste est longue : stigmatisation de pans entiers de la population ; début d'une justice automatique avec le recul du principe d'individualisation des peines ; vindicte présidentielle et gouvernementale contre les juges au mépris de la séparation des pouvoirs ; et bientôt les jurys populaires en correctionnelle et les milices urbaines. Vous faites consciencieusement le lit d'un populisme malsain !
Alors que, dans un formidable élan, des peuples se soulèvent contre les régimes qui les oppriment, la perspective idéologique qui guide votre politique en matière de sécurité et de justice ne cesse d'affaiblir la République et engage la France sur le chemin de l'autoritarisme.
Ce texte ne fait que renforcer le climat de tension dans lequel vous tenez la France en vue des prochaines échéances électorales. Son contenu s'ordonne autour de cinq axes majeurs.
Premièrement, la répression : aggravation systématique des peines et recul du principe de proportionnalité ; peines plancher pour les primodélinquants ; comparution immédiate des mineurs ; réapparition du délit d'occupation des halls d'immeubles ; répression de la vente à la sauvette.
Deuxièmement, l'exception : régime d'exception attentatoire aux libertés publiques pour les étrangers ; possibilité de comparution par visioconférence.
Troisièmement, l'exclusion et la stigmatisation : expulsions arbitraires des squats, des campements illégaux, des bidonvilles, des habitats considérés comme hors norme.
Quatrièmement, la réduction des libertés individuelles et l'atteinte à la vie privée : surveillance généralisée de l'espace public ; captation de données informatiques privées ; filtrage ciblé des réseaux de communication au public en ligne ; multiplication des fichiers de police ; couvre-feu pour les mineurs.
Cinquièmement, la privatisation de missions et prérogatives régaliennes avec l'extension sans précédent de la vidéosurveillance qui bénéficiera largement au privé, et l'encadrement, ou plutôt le blanc-seing donné aux officines de barbouzes, notamment pour les besoins de l'intelligence économique.
Sur les moyens, rien. Un comble !
Le hasard faisant bien les choses, ce vote arrive en même temps que s'amplifie la grogne sans précédent des magistrats et des policiers, après une énième provocation du chef de l'État à leur endroit.
Singulièrement, ces corps de métier, qui travaillent main dans la main au service de la République, vous adressent les mêmes revendications sur le fond : une politique de prévention et de répression de la délinquance nécessite des moyens, faute de quoi les missions de la police et de la justice ne peuvent être remplies. Rappelons que la France se classe derrière l'Azerbaïdjan en termes de moyens consacrés à la justice.
Votre rhétorique extrême-droitière libérale et vos solutions autoritaristes ne peuvent malheureusement masquer votre faillite sur le thème de la sécurité. L'échec de ce gouvernement et de cette majorité tient dans votre mépris de la démocratie, votre irrespect envers la République, votre défiance vis-à-vis de la justice et votre peur du peuple, qui vous désavoue chaque jour un peu plus.
Nous, communistes et parti de gauche, nous affirmons que le combat pour la sécurité ne saurait s'exonérer d'une approche économique et sociale, qui passe par la réduction de la précarité, du chômage et de l'exclusion, par la réhabilitation et la promotion du rôle social de l'école, et par l'égalité d'accès aux services publics, à l'emploi, au logement, à la culture, à la justice. Une telle politique suppose des moyens : c'est ce que vous crient les magistrats, les policiers, les enseignants, les services sociaux, le Pôle emploi, les fonctionnaires, les exécutifs des collectivités territoriales.
Contre les logiques libérales, populistes et électoralistes qui guident votre action, contre l'affaiblissement de l'institution judiciaire, nous réaffirmons notre attachement à une justice indépendante et à une république respectueuse des droits et libertés constitutionnellement reconnus. C'est le sens de notre vote contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)