Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, dans les quelques minutes qui me sont imparties, je souhaite évoquer les dispositions de l'article 32 ter A relatives à l'évacuation forcée des campements illicites.
Vous êtes, monsieur le ministre, et à travers vous le Gouvernement, suspecté par l'ensemble des acteurs du logement associatif de commencer à introduire dans le dispositif législatif la possibilité d'évacuer par la force, sans autre forme de saisine des juridictions, toute occupation illégitime de lieux. Ce reproche vous est fait à l'aune du dispositif de l'article 32 ter A qui, je le rappelle, autorise le préfet à procéder à l'évacuation forcée d'installations illicites en réunion sur un terrain appartenant à une personne publique ou privée en vue d'y établir des habitations comportant de graves risques pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. La mise en oeuvre de ce dispositif, en dehors de la volonté du propriétaire comme du préfet, fait l'objet d'un contrôle juridictionnel a posteriori dans les quarante-huit heures et dans des conditions qui le rendront totalement inapplicable.
Quel est le reproche qui vous est adressé et que je formule, une nouvelle fois, du haut de cette tribune, au nom du groupe socialiste ? Vous êtes en train de forcer la ligne des procédures qui garantissent actuellement, conformément à la Constitution et aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, les droits individuels et les libertés d'aller et de venir.
Le problème est simple. Les acteurs réunis la semaine dernière, à l'occasion des rencontres organisées par la Fondation Abbé Pierre auxquelles assistaient plusieurs milliers de personnes, vous l'ont soumis. Tous dénoncent la crise actuelle du logement. Tous ont dépeint la situation dans laquelle se trouve un certain nombre de nos concitoyens : 41 000 personnes vivent actuellement dans des habitats de fortune – cabanes, constructions provisoires –, à l'hôtel ou dans des conditions qui, si elles ne s'améliorent pas, ne peuvent que conduire à cet habitat de fortune. Cette réalité humaine recouvre l'ensemble de notre territoire. Certains de nos concitoyens sont hébergés dans des conditions qu'ils subissent, d'autres choisissent des constructions informelles au nom de la liberté.
Vous voulez, monsieur le ministre, revenir sur le dispositif de la loi, qui est clair : en dehors des cas de flagrance, seul le juge peut ordonner l'évacuation d'un patrimoine privé. Il le fait, du reste, à la demande du propriétaire. Depuis la loi Besson concernant les gens du voyage, le préfet peut être autorisé à évacuer par la force, sans décision de justice, un terrain occupé illégalement lorsque la commune possède des aires d'accueil.
Le reproche qui vous est fait, je le crois fondé. Nous avons longuement, au cours des débats, argumenté en faveur de l'acceptation de cette réalité et du maintien des possibilités de faire valoir, en l'état de la loi, les droits du propriétaire ou du locataire en titre. Aujourd'hui, vous voulez ouvrir ce champ incertain.
Nous sommes nombreux à dire que votre dispositif visera les occupants d'habitats de fortune, les gens du voyage, notamment ceux qui sont en voie de sédentarisation, laquelle passe souvent par ce type d'habitats que vous voulez interdire. Il concernera également – quel symbole ! – les ménages occupant des locaux construits sans permis.
La semaine dernière, notre assemblée a, à l'unanimité, sur proposition de notre groupe, adopté un dispositif législatif qui a recueilli l'accord du Gouvernement et qui visait à régler le problème de l'habitat insalubre dans les DOM-TOM, à savoir un habitat informel qui perdure depuis quarante ans dans ces territoires, conséquence d'usages et de coutumes que la loi de la République n'arrivait pas résoudre de manière digne.
Il existe une autre manière de régler les problèmes. Vous devriez vous pencher sur le texte qui a été voté. Vous verriez comment, tout en respectant la Constitution et en tenant compte de la réalité humaine, il est possible de faire avancer les choses dans l'intérêt bien compris de l'ordre public et de la sécurité des personnes. Je regrette que vous n'ayez pas été présent dans l'hémicycle lorsque nous avons adopté ce texte. Vous auriez compris que vous prenez le mauvais chemin en introduisant dans la loi la procédure d'évacuation forcée, sans décision de justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et GDR.)