J'assume la conception législative minimaliste de la proposition de loi. C'est notamment pourquoi, à l'article 7, je proposerai de formaliser de façon un peu plus précise le rendez-vous législatif annuel qui servira à observer comment les choses évoluent. Je comprends les arguments de fonds à l'appui de certains des amendements déposés, mais il me paraît souvent prématuré de rigidifier un certain nombre de points.
Nous légiférons dans le champ culturel et pas seulement économique. On sait que, sur de tels sujets, deux conceptions se font traditionnellement face. Mais, comme beaucoup de commissaires, je participe d'une démarche de sauvegarde de la création culturelle, de défense de sa rémunération et de soutien de sa diversité.
Je suis en revanche en accord avec M. Lionel Tardy quant à la nécessité de développer l'offre légale. Mais, pour cela, il faut que les conditions légales soient réunies. Deux nous sont apparues indispensables : le taux unique de TVA et le principe selon lequel il revient à l'éditeur de fixer le prix du fichier numérique homothétique.
En face d'une économie en construction – du moins en France –, un certain nombre de repères et de lignes de force sont nécessaires pour que les éditeurs s'investissent davantage, que les libraires se mobilisent autour de leur nouveau rôle et que tous les acteurs de la chaîne du livre, notamment les auteurs, dont on ne parle pas assez, voient leur statut sécurisé.
Aujourd'hui embryonnaire en France et en Allemagne, le marché du livre numérique est un peu plus développé au Royaume-Uni depuis six mois et beaucoup plus aux États-Unis, les statistiques des derniers trimestres montrant qu'il approche là-bas les 10 % de part de marché.
Dans ce dernier pays, aucune règle n'existe pour le livre papier : les vendeurs arrêtent les prix qu'ils souhaitent, avec des discounts parfois très substantiels, bien évidemment sur les blocksbusters. Les prix de la littérature de création et de sciences humaines sont beaucoup plus élevés que les autres. Il en allait de même pour les fichiers numériques jusqu'à ce qu'un bras de fer très intéressant oppose l'année dernière les éditeurs et les distributeurs numériques. Certains distributeurs voulaient imposer leurs prix aux éditeurs, avec des prix d'achat des fichiers numériques ne correspondant pas à la rémunération de la création. Les éditeurs ont finalement remporté la partie grâce à cet outil juridique qu'est le contrat de mandat. De sorte que les parts de marché du livre numérique aux États-Unis ont beaucoup évolué : tel grand distributeur qui détenait 85 % du marché au début de 2010 n'en détenait plus que 50 % à la fin de l'année. De nouveaux entrants sont apparus à la faveur du contrat de mandat. Ainsi, dans ce pays, le marché du livre numérique se trouve davantage régulé que celui du livre imprimé. Cette expérience doit nous conforter dans notre volonté d'adopter un certain nombre de dispositions législatives, aujourd'hui minimalistes, mais assorties de l'exigence d'un rendez-vous annuel permettant de suivre l'évolution du marché comme de tenir compte des intérêts de la création.