Monsieur le président, madame la ministre chargée de l'outre-mer, chers collègues, nous soutiendrons la proposition de loi portée par nos collègues du groupe SRC, visant à mettre fin au traitement discriminatoire des gens du voyage. Elle permet d'abroger plusieurs dispositions qui constituent autant de ruptures d'égalité entre les citoyens.
Si les orientations du futur rapport prévu par la mission d'information sur ces questions iraient globalement dans le même sens, celui-ci ne paraîtra que dans plusieurs semaines. Il convient de ne pas repousser notre vote, car la suppression de dispositions discriminatoires ne souffre aucun délai.
Le présent texte vise à abroger la loi de 1969 qui oblige les gens du voyage à être en possession d'un livret ou d'un carnet de circulation qui n'est rien d'autre que la transformation du très contestable carnet anthropométrique d'identité pour nomades. Chaque année, toute personne âgée de plus de seize ans, ayant une résidence mobile et n'ayant pas de ressources régulières doit faire viser par la police ou la gendarmerie soit son livret de circulation, soit son carnet de circulation. Cette obligation de présentation de documents se traduit par des contrôles permanents de la part des autorités.
Cette disposition discriminatoire viole l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme, qui interdit toute discrimination dans la jouissance du droit de chacun à circuler librement. Je rappelle que ce droit est garanti en ces termes par l'article 2 du protocole additionnel n° 4 : « Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d'un État a le droit d'y circuler librement et d'y choisir librement sa résidence. »
De plus, habiter une résidence mobile n'est pas sans conséquence sur l'exercice des droits de ces citoyens. Ainsi, l'inscription des gens du voyage sur les listes électorales n'est possible que dans des conditions restrictives : il leur faut trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune, alors que ce délai est de six mois pour les personnes sans domicile fixe. Ce rattachement engendre de multiples difficultés, le nombre de personnes détentrices d'un titre de circulation rattachées à une commune ne devant pas dépasser 3 % de la population de cette commune.
Autant de discriminations dénoncées par les associations de droits humains et par la HALDE qui, aussi bien en 2007 qu'en 2009, a rappelé au Gouvernement que ces dispositions contreviennent à la Constitution et à la Déclaration des droits de l'homme. Pour ne pas entendre ces avertissements, vous avez préféré supprimer purement et simplement la HALDE : quand la température monte, vous préférez briser le thermomètre !
Ces violations des droits fondamentaux sont telles que la France est menacée de sérieuses sanctions pour non-respect du droit conventionnel.
Par ailleurs, il n'est pas impensable d'envisager qu'une question prioritaire de constitutionnalité aurait toutes les chances d'entraîner une censure des dispositions concernées par le Conseil constitutionnel.
Après les expulsions de Roms de cet été, exécutées de manière honteuse pour la France, le Gouvernement n'a fait aucune proposition sérieuse pour prendre une position respectueuse de ses obligations. Il faut qu'il cesse d'exploiter les préjugés contre les gens du voyage et reconnaisse à ceux-ci l'ensemble des droits ouverts par la détention de la nationalité française. Ne pas le faire revient à continuer de s'inscrire dans une logique de désintégration sociale porteuse de graves dangers. Cela revient aussi à violer les principes les plus élémentaires sur lesquels notre république s'est construite.
Pour toutes ces raisons, et nonobstant la parution prochaine d'un rapport sur ces questions, les députés du groupe GDR voteront sans aucune hésitation la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)