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Intervention de Alain Claeys

Réunion du 26 janvier 2011 à 21h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Claeys, président :

On permettra pour une fois au Président de donner son sentiment.

Au delà du débat médiatique, la recherche est le thème central de la révision de nos lois bioéthiques, d'autant que nous allons décider de ne plus revisiter ces lois tous les cinq ans.

J'ai entendu et je respecte les hésitations de notre rapporteur.

Je voudrais revenir un peu en arrière pour rappeler que lorsque nous avons décidé il y a six ans d'encadrer les recherches sur l'embryon, deux blocs s'opposaient : ceux pour qui il n'y avait rien à attendre des recherches sur les cellules souches embryonnaires car celles sur les cellules souches adultes résoudraient tous les problèmes et, par réaction, ceux qui défendaient à tout prix le clonage thérapeutique, au motif que les progrès thérapeutiques étaient à portée de main.

Aucune de ces deux attitudes n'était respectueuse des chercheurs et des malades : le temps médiatique n'est pas celui de la recherche et ce dernier n'est, hélas, pas celui de la maladie.

De quoi s'agit-il donc aujourd'hui ? De répondre à deux questions concernant la recherche sur le vivant.

En premier lieu, le dispositif mis en place il y a six ans pour encadrer et pour évaluer la recherche, particulièrement sur les cellules souches embryonnaires, est-il satisfaisant ? Je n'ai pas entendu un seul de nos collègues contester cet encadrement et nous pouvons donc tous, y compris le pouvoir exécutif, répondre par l'affirmative.

En second lieu, qu'est ce qui est utile pour la recherche ? Nous avons, avec Jean-Sébastien Vialatte et sous l'égide de l'OPECST, procédé à l'évaluation prévue par la loi des recherches sur les cellules souches adultes et sur les cellules souches embryonnaires. Mais, durant cette période, la science a progressé. Des chercheurs, travaillant exclusivement sur les cellules souches embryonnaires, ont mis au point de nouvelles cellules souches, dites IPS, reprogrammées.

Comment expliquer maintenant aux chercheurs et aux malades que les recherches seraient plus ou moins éthiques ? Tous les chercheurs, sur quelque type de cellules qu'ils travaillent, estiment qu'il faut continuer de le faire et que la France doit y consacrer les moyens nécessaires.

N'introduisons pas dans cette affaire, surtout dans le contexte actuel, les entreprises pharmaceutiques : l'argument ne serait pas honnête. Aujourd'hui, il ne doit pas se dérouler dans le monde entier plus de deux ou trois essais cliniques par an sur les cellules souches embryonnaires. Les recherches correspondantes ne sont donc pas entre les mains de laboratoires ou de grands groupes pharmaceutiques.

C'est pourquoi, pour certaines recherches, poser une interdiction mais accorder des dérogations, n'est pas éthiquement acceptable, surtout si on ne révise plus la loi tous les cinq ans. Car alors on culpabilise le chercheur et on organise une recherche à deux niveaux : celle qui serait éthique et celle qui ne le serait pas, ce qui ne peut qu'introduire le trouble chez les jeunes chercheurs et chez les associations de malades.

Il faut aussi oser aborder la question de la pression des groupes religieux et philosophiques. Nous les avons tous entendus. Mais il ne nous revient pas, en tant que législateur, d'arbitrer sur la définition du commencement et de la fin de la vie. Cela relève de la sphère privée. Le législateur doit se borner à déterminer ce qui est acceptable par notre société, au-delà des convictions religieuses et philosophiques de chacun.

Concernant les cellules souches embryonnaires, il nous faut mener sur elles des recherches cognitives afin de comprendre la différenciation cellulaire et, partant, d'expliquer demain un certain nombre des mécanismes correspondants. Il y a par ailleurs les recherches à finalité thérapeutique. Personne ne peut dire aujourd'hui quelles sont les finalités thérapeutiques des recherches sur les cellules souches embryonnaires. Nous espérons qu'il en existe mais il nous faudra du temps pour le savoir.

Le deuxième type de recherche porte sur ce que René Frydman appelle « l'innovation thérapeutique », c'est-à-dire sur l'embryon qui n'est pas destiné à disparaître. C'est un sujet essentiel pour l'évolution et le progrès de la procréation médicalement assistée.

Si la nouvelle loi apporte des avancées sur ces deux thèmes, nous aurons bien fait notre travail de législateur et je ne crois pas que les uns ou les autres auront alors dû renoncer à quelque valeur éthique que ce soit. J'attache la plus grande importance à cette question.

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