La raison plaide en faveur d'un régime d'autorisation et non d'un moyen artificiel, un peu jésuitique, un peu hypocrite, de contourner cette autorisation en prévoyant une interdiction qu'on lèvera de temps en temps. Mais nous n'espérons pas persuader ceux pour qui la décision relève non de la rationalité mais de leurs croyances et de leur idéologie.
Le respect de l'homme comporte, et même nécessite, la recherche scientifique car elle permet de faire progresser la thérapeutique. En travaillant, avec Olivier Jardé, sur la proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine, qui sera bientôt examinée en commission mixte paritaire, nous nous sommes rendus compte que plus personne ne saurait remettre en cause ce type de recherches.
La même observation vaut pour les cellules souches embryonnaires et pour l'embryon lui-même. Suivant en cela le Conseil d'État, je souhaite qu'on privilégie un système d'autorisation, formule simple qui adresserait un message fort aux chercheurs et aux thérapeutes. Ce qui a été dit des applications est faux : les administrations de cellules souches sont déjà très nombreuses sur le plan thérapeutique. Nous avons, dans ce domaine, dépassé largement le stade de la recherche fondamentale et parvenons à celui de la prise en charge par des laboratoires internationaux.
En sens inverse, l'interdiction assortie de dérogations enverrait un signal négatif et dissuasif à nos chercheurs, alors incités à émigrer vers des pays qui leur offrent de meilleures conditions de travail. C'est pourquoi ils sont déjà plus nombreux à Bethesda aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Australie qu'en France. Un nouveau retard chez nous serait difficile à combler.
En outre, il n'existe pas d'alternative : l'expression unique « cellule souche » ne permet pas de comparer une cellule souche adulte, même reprogrammée, avec une cellule souche embryonnaire. Elles sont aussi différentes qu'un nouveau né l'est d'un vieillard. Un grand nombre de publications scientifiques ont montré qu'une cellule souche vieillit mais non une cellule souche embryonnaire. Seule cette dernière présente une capacité infinie d'applications comme de différenciations ainsi que des potentialités interdites à toute cellule souche reprogrammée ou modifiée. Je n'exclus pas que, dans quelques décennies, on sache fabriquer des cellules souches de type embryonnaire à partir d'autres cellules. Mais, pour y parvenir, il aura d'abord fallu travailler sur la cellule souche embryonnaire, afin de découvrir comment elle fonctionne et ce qu'elle a de différent des cellules souches adultes.
Je suis bien évidemment favorable à un régime d'autorisation. Il faudrait aussi envisager une réflexion relative à la recherche sur l'embryon humain, qui réduirait les excès de production et de destruction d'embryons surnuméraires. Nous produisons aujourd'hui 40 à 100 fois plus d'embryons que nécessaire pour une naissance. Dans leur grande majorité, les embryons produits sont détruits, ce qui n'est guère satisfaisant, surtout pour ceux qui sacralisent l'embryon humain.
En outre, l'intérêt thérapeutique s'ajoute à l'intérêt scientifique en permettant d'administrer des traitements au stade embryonnaire proprement dit. Nous le faisons déjà couramment, en diagnostic prénatal, pour de multiples maladies, à la frontière entre les stades embryonnaire et foetal.
Il faut enfin tenir compte de l'acquis que constitue le diagnostic préimplantatoire qui représente déjà une certaine forme de recherche sur des cellules embryonnaires.