Je n'ai guère d'illusions quant au sort qui sera réservé à ces amendements relatifs à la gestation pour autrui, mais nous aurons l'occasion d'y revenir en séance publique.
Je vous propose d'adapter notre droit en tenant compte de la position adoptée par la Cour de cassation en 2008, mais aussi des évolutions introduites dans d'autres pays, notamment la Grande-Bretagne, qui a adopté un dispositif évitant toute « marchandisation des ventres ».
L'amendement AS 115 s'inspire très largement d'une proposition de loi déposée au Sénat par Michèle André en vue d'autoriser la gestation pour autrui tout en l'encadrant très précisément. Cette technique est aujourd'hui illégale dans notre pays en considération de la « convention » de procréation ou de gestation pour autrui qui existe entre les parties, mais il est possible d'envisager la GPA en s'affranchissant de cette perspective. Je rappelle que certaines personnalités se sont déclarées favorables à la GPA, notamment Mmes Elisabeth Badinter, Elisabeth Roudinesco, Geneviève Delaisi de Parseval et M. Maurice Godelier, même s'il faut reconnaître que d'autres s'y opposent, telle Mme Sylviane Agacinski.
Cet amendement s'inscrit parfaitement dans le cadre de cette loi bioéthique, dont la portée n'est pas seulement médicale, mais aussi sociale. Nous devons nous méfier comme de la peste de cette tentation qu'est l'essentialisme : c'est la deuxième fois que nous sommes appelés à réviser les lois bioéthiques de 1994 et le monde a bien changé depuis lors. Je ne prétends pas qu'il faut s'adapter à toutes les évolutions – certaines peuvent être condamnables, à juste titre –, mais ne pas regarder en face la question de la gestation pour autrui reviendrait à faire preuve d'hypocrisie. Cette pratique existe dans d'autres pays, où se rendent certaines familles pour en bénéficier. Pour avoir auditionné de telles familles, nous savons que le statut de leurs enfants est fragilisé quand elles reviennent en France : seul le lien de filiation avec le père est reconnu.
En réponse à un arrêt qui a été rendu par la Cour de cassation en 2008, l'amendement AS 119 rectifié tend à permettre l'établissement d'une filiation à l'égard des deux parents. Les enfants concernés se trouvent, en effet, dans une situation de grande vulnérabilité. Il ne s'agit pas, avec cette proposition, d'exalter le droit à l'enfant, mais de protéger le droit de l'enfant. Quand bien même vous n'adopteriez pas l'amendement qui autorise la gestation pour autrui dans des conditions très précises, vous devriez accepter celui qui assure la protection juridique des enfants nés à l'étranger d'une GPA.
Pour conclure, je regrette qu'on ait opposé l'article 40 de la Constitution à un autre amendement que j'avais déposé en vue de permettre l'indemnisation de la mère porteuse par la Sécurité sociale. Il est trop facile, après avoir écarté cet amendement, d'affirmer que mes propositions ne peuvent qu'inciter à la « marchandisation des ventres ».