Puisque j'ai eu l'occasion de travailler avec plusieurs d'entre vous dans le cadre de ma précédente mission, la médiation du crédit, je veux vous indiquer que, selon des statistiques récentes, les entreprises auxquelles nous sommes venus en aide, sauvant ainsi quelque 220 000 emplois, présentent aujourd'hui le même risque de sinistralité que la moyenne des entreprises françaises. « L'écosystème » que nous avons collectivement mis en place a donc porté ses fruits, et l'on peut s'en inspirer pour l'aménagement du territoire.
L'équipe du Commissariat général à l'investissement a été recrutée par le biais d'un cabinet de recrutement, qui a travaillé gratuitement, associé à un comité de nomination présidé par le grand industriel Henri Lachmann. Si mon adjoint Jean-Luc Tavernier, ici présent, avait un droit de veto, nous n'avons pas participé à ce recrutement qui a permis de sélectionner une équipe de collaborateurs performants, efficaces et dont nous ignorons par ailleurs l'opinion politique.
Le système reposant sur la recherche des meilleurs effets de levier possibles, il nous a fallu associer les collectivités territoriales et les industriels, dont nous sommes conscients qu'ils pourraient parfois donner plus, dans un contexte où l'argent public fait défaut : ce sont donc eux que nous solliciterons en priorité.
Les 35 milliards d'euros de l'emprunt national ont été répartis sur 35 actions d'inégale importance. Dès juillet dernier, avec cinq mois d'avance sur le calendrier, nous avions signé toutes les conventions avec les opérateurs, de sorte que, au 31 décembre 2010, l'ensemble des fonds étaient débloqués. Le « grand emprunt » est donc derrière nous, et il convient, désormais, de parler d'« investissements d'avenir ». D'ici au mois de septembre, et peut-être dès la fin juillet, nous aurons sélectionné des projets, suivant en cela la première des trois règles que nous nous sommes fixées, à savoir de procéder par vagues, puisque, dans des secteurs tels que la recherche, les projets ont besoin de temps. La loi a néanmoins prévu que les instituts hospitalo-universitaires échappent à cette règle ; nous nous efforcerons donc, pour ce qui les concerne, de nous limiter à deux vagues.
Si, lors de ma précédente mission, je ne cessais de penser aux entreprises que nous n'avions pu sauver, cette fois nous voyons se développer dans tout le pays des projets formidables. Dans ces conditions, notre deuxième règle est d'éviter toute destruction de valeur. Aussi nous écartons-nous du sacro-saint principe de l'unicité de lieu préconisé par le rapport Marescaux, afin de ne pas empêcher les partenariats, existants ou futurs, entre les territoires. C'est aussi pourquoi, à ma demande, l'expression de « campus d'excellence » a été remplacée par celle d'« initiative d'excellence ».
Notre troisième règle est d'éviter les subventions, bien que la loi nous autorise à en distribuer : nous cherchons d'abord le retour sur investissement en sélectionnant des projets d'avenir qui peuvent marcher, quitte à prendre des risques, voire à perdre l'argent investi – argent que l'on aurait de toute façon perdu en subventionnant. Mais si le projet marche, chacun doit être gagnant : non seulement les industriels et les chercheurs, mais aussi l'État, les opérateurs et les collectivités. Alors que nous avions pour mission de porter à 60 milliards d'euros, grâce à l'effet de levier, les 35 milliards investis, nous en sommes à environ 70 milliards. Parce que notre pays n'a aucune chance de lancer une opération de cette envergure avant longtemps, nous devons mettre en oeuvre un système vertueux. Si l'hélicoptère X 4 d'Eurocopter, que nous financerons sans doute, est un succès, alors il financera le X 5 : telle est la logique qui nous guide.
Bien que notre préoccupation essentielle reste l'excellence, nous ne nous désintéressons pas de l'aménagement du territoire. Nous sommes en train de conclure un accord avec la DATAR, la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale, pour réunir, autour des secrétaires généraux pour les affaires régionales, les principaux acteurs, parmi lesquels, évidemment, les collectivités territoriales. En d'autres termes, nous souhaitons réunir autour de la table non seulement les porteurs de projet mais aussi OSEO et la Banque de France, car elle connaît bien les entreprises locales.
S'agissant du développement durable, j'évoquerai, pour commencer, l'éolien offshore. Comme le Président de la République l'a annoncé, nous lancerons un appel à projets pour la production de 3 gigawatts sur plusieurs sites, essentiellement dans le Nord et sur la Manche. Afin d'éviter tout débordement des coûts de production, le cahier des charges sera très strict, mais les Français doivent savoir que l'électricité issue des énergies renouvelables peut être plus chère que celle produite par le nucléaire : la transparence est nécessaire sur ce point.
Par ailleurs, nous avons lancé un appel à manifestations d'intérêt pour le photovoltaïque, le but étant de réduire les coûts de fabrication et d'améliorer la performance des produits. Ma conviction est que tout gouvernement doit, dans la période que nous traversons, réduire ses dépenses de fonctionnement et augmenter ses dépenses d'investissement, à l'instar de ce que font les entreprises. On a bien fait de réviser le tarif d'achat de l'électricité photovoltaïque, car celle-ci n'a pas vocation, me semble-t-il, à financer par exemple la construction d'hypermarchés. En revanche, toutes les études montrent que le marché du photovoltaïque est amené à se développer, et donc à permettre de créer des emplois : nos enfants, en bâtissant leur maison ou leur ferme, voudront, au nom de calculs de rentabilité à long terme, assurer leur indépendance énergétique. En ce domaine il existe, à Grenoble, de formidables projets conçus à l'initiative du Commissariat à l'énergie atomique, le CEA, et notamment de Jean Therme, projets qui devraient considérablement améliorer le rendement des cellules photovoltaïques. Si l'éolien offshore induit des coûts de production que les opérateurs répercuteront sur le prix de vente – raison pour laquelle le cahier des charges doit être particulièrement serré –, il n'en va pas de même pour le photovoltaïque, où la rentabilité est calculée à très long terme.
Un autre appel à manifestations d'intérêt a été lancé pour l'énergie solaire, afin d'identifier les conditions de développement de technologies innovantes. Cela dit, dans une grande partie de la France, l'investissement dans le solaire n'est pas forcément le choix le plus judicieux, compte tenu de la géographie et du climat.