En l'espèce, notre législation, largement héritée du décret-loi de 1939, est aujourd'hui incomplète et inadaptée : inefficace pour appréhender la dangerosité réelle des armes à feu ; trop complexe et tatillonne pour ceux qui, dans le cadre de pratiques strictement réglementées telles que la chasse ou certaines activités sportives, en font un usage légitime.
À ce titre, et alors que j'évoquais à l'instant la méthode et l'esprit qui ont présidé à l'élaboration de la présente proposition de foi, je veux saluer la démarche de la commission des lois : mise en place voici quelques mois d'une mission d'information pluraliste ; traduction législative des préconisations relevant effectivement du domaine de la loi ; transmission pour avis au Conseil d'État, ainsi que le permet désormais le nouvel alinéa 5 de l'article 39 de la Constitution. Cette procédure, bien qu'encore relativement méconnue, n'en constitue pas moins un réel facteur de revalorisation de l'activité législative du Parlement.
Au terme de cette démarche, nous discutons aujourd'hui d'une proposition de loi équilibrée et, me semble-t-il, largement saluée par l'ensemble des acteurs concernés, notamment depuis le retrait des dispositions telles que le « délai de refroidissement » ou la mise en place d'une carte grise de l'arme qui, sans être strictement nécessaires au but que nous poursuivons, suscitaient des réserves.
Contrôler efficacement les armes à feu, c'est d'abord définir une classification réellement opérationnelle, lisible et comprise de tous. Dans cette optique, il est proposé de réduire de huit à quatre le nombre de catégories d'armes en s'inspirant notamment du cadre offert par la directive européenne du 18 juin 1991. Surtout, et au-delà de la stricte simplification arithmétique, nous tournons le dos à cette nomenclature qui, de la première à la huitième catégorie, pouvait parfois se révéler étonnamment kafkaïenne dans son contenu.
Les quatre nouvelles catégories se bornent à faire la distinction entre armes à feu interdites, armes à feu soumises à une autorisation administrative, armes soumises à déclaration et armes simplement soumises à un enregistrement ou en vente et détention libre. Chaque catégorie renvoie ainsi à un régime juridique distinct et précis.
S'il est proposé de renvoyer à un décret en Conseil d'État la détermination des matériels compris dans chacune de ces catégories, cette classification devra néanmoins reposer, ainsi que le prévoit le texte, sur un critère objectif : la dangerosité de l'arme, laquelle s'apprécie notamment au regard du calibre, des modalités de répétition du tir ou encore du nombre de coups tirés avant qu'il soit nécessaire de recharger.
Cette proposition s'inscrit en outre dans une réflexion plus large sur la dangerosité présumée non seulement des armes elles-mêmes, mais également de leurs détenteurs.
Si le champ des saisies administratives relevant de la compétence du préfet est étendu, la principale innovation du texte tient à la généralisation des sanctions pénales relatives aux armes. Ainsi, et sans verser dans l'inconstitutionnalité de peines automatiques, ces peines seront obligatoirement décidées à titre complémentaire lorsqu'un individu aura été condamné pour un comportement manifestement incompatible avec la détention d'une telle arme.
Certes, la problématique du passage à l'acte ou du coup de folie, en ce qu'elle implique les tréfonds de l'âme humaine, demeure largement insoluble dans le droit. Il serait faux d'imaginer que cette proposition nous met à l'abri de nouveaux drames tels que ceux qui ont été évoqués par moi-même ou les orateurs qui m'ont précédé.
Pour autant, nous ne saurions nous affranchir de l'exigence que constitue pour le législateur la nécessaire définition d'un cadre normatif à même de prévenir, aussi efficacement que possible, ce type de tragédies. De ce point de vue également, le texte dont nous discutons fait oeuvre utile.
Sans revenir sur les dispositions destinées à renforcer et améliorer l'efficacité de la lutte contre les trafics d'armes, enjeu de sécurité fondamental qui ne peut que nous rassembler, je veux, en conclusion, exprimer le soutien appuyé des députés du Nouveau Centre à cette proposition de loi. (Applaudissements.)